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la rente étant réalisée au taux de 95 francs, un capital de 3,325,000 francs. Une association de crédit, qui aurait pour levier un capital d’environ 3 millions et demi, prêtant sur hypothèque, et prêtant aux planteurs, non pas comme en France pour acheter de la terre, mais bien pour améliorer l’exploitation et pour entretenir le fonds de roulement, rendrait certainement les plus grands services. Aujourd’hui, lorsque les planteurs empruntent sur consignation aux négocians ou aux capitalistes de nos ports de mer, l’emprunt étant remboursable en bloc, le remboursement devient presque toujours impossible. Si l’expropriation était facile, une grande partie des propriétés coloniales aurait aujourd’hui changé de mains.

Quand les planteurs emprunteront à une banque foncière, l’emprunt, devant être remboursé par voie d’amortissement et sous la forme d’annuités successives, ne pourra jamais devenir une charge ni un embarras. L’association prêtera aux planteurs, non pas comme propriétaires, mais comme fermiers, et ceux-ci retrouveront aisément sur leurs revenus, s’ils administrent avec économie, de quoi servir les intérêts et l’amortissement des capitaux qui auront porté dans leur exploitation l’activité et l’aisance.

Les institutions de crédit foncier conviennent bien mieux encore que les banques de prêt et d’escompte à l’enfance des sociétés. Les associations territoriales ont pris naissance en Silésie et en Pologne, chez des peuples qui n’avaient encore ni industrie ni commerce. Aujourd’hui ces institutions prospèrent ; elles se sont répandues de là en Allemagne, et leurs lettres de gage sont cotées sur les marchés publics comme les titres de rente émis par les divers états. Le crédit foncier devrait naître avant tout autre, car il est en quelque sorte élémentaire ; il repose principalement sur un gage, et il dispense d’étudier, au point de vue de la solvabilité personnelle, la situation de l’emprunteur.

Les institutions de crédit foncier sont donc indispensables aux colonies. C’est au gouvernement qui a la dotation dans ses mains à prendre l’initiative. En attendant, la commission de l’assemblée qui examine le projet des banques coloniales fera sagement de le ramener aux règles qu’il aurait dû observer et de le renfermer dans les limites qu’il n’aurait pas dû franchir : il y a quelque chose de pire que l’absence du crédit, c’est le crédit reposant sur des bases sans solidité et livré aux aventures.


LEON FAUCHER.