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REVUE DES DEUX MONDES.

Sous le rocher qui garde avec mystère
L’écho furtif de leur premier baiser !

À pas rêveurs le vieillard nous apporte
Son lourd faisceau dont il aime le poids ;
Du chaume antique il a franchi la porte,
Sur les chenets il a rangé le bois.

Là, chaque brin du fagot qu’il ménage
Flambe à son tour et fait durer le feu…
Débris ardent des trésors d’un autre âge,
Vous pouvez seuls le rajeunir un peu.

Assis dans l’âtre en sa robe de laine.
Il tend ses doigts vers les rouges tisons ;
Sur le chenet tiédit sa tasse pleine
D’un vin gardé des fertiles saisons.

Du doux brasier son cœur ressent le charme ;
La séve encor monte à ses yeux taris ;
De ses cils blancs éclairés d’un souris
Jusqu’à sa main roule une grosse larme.

Brûlez, rameaux des buissons printaniers,
Débris de fleurs amassés en relique ;
À votre feu pâle et mélancolique
De ses soupirs réchauffez les derniers.

Chers souvenirs de la forêt secrète.
Bois sec et noir, jadis bouquet vermeil,
Au vieil Hiver, donnez, dans sa retraite,
Quelques tisons à défaut de soleil !

II.
UNE VOIX DANS L’HERBE.

Voix des torrens, des mers, dominant toute voix,
Pins au large murmure,
Vous ne dites pas tout, grandes eaux et grands bois,
Ce que sent la nature.

Vous n’exhalez pas seuls, ô vastes instrumens,
Ses accords gais ou mornes ;
Vous ne faites pas seuls, en vos gémissemens.
Parler l’être sans bornes.