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aucune occasion de se produire, ont, il est vrai, le tort de nous rappeler que nous n’existons pas aujourd’hui dans le définitif, que notre liquidation n’est pas achevée, que nous ignorons comment elle se terminera ; mais il y faut bien penser, quoi qu’on en ait, et l’on y penserait probablement avec moins d’alarmes, si cette opposition intime des pouvoirs s’était toujours traduite en paroles d’une mesure aussi parfaite que celles de M. de Rémusat dans son rapport sur la levée des quarante mille hommes, ou d’une loyauté aussi rassurante que celles de M. le président de la république au banquet de l’Hôtel-de-Ville.

Le rapport de M. de Rémusat, qui ouvre la quinzaine, le discours prononcé par le président de la république pour l’anniversaire du 10 décembre, sont deux œuvres également caractéristiques au point de vue de cette situation mixte que nous tâchons d’esquisser. Le rapport de M. de Rémusat n’est plus maintenant d’un intérêt bien considérable pour notre politique extérieure ; il a gardé toute son importance dans la question de politique intérieure qui va demeurer pendante jusqu’en 1852. Nous n’avons donc guère à parler du débat auquel il a donné lieu, puisque ce débat s’est réduit à une appréciation d’ailleurs très sommaire de l’état des choses en Allemagne ; mais nous ne pouvons passer aussi rapidement sur ce qu’il y avait dans ce rapport de théorie constitutionnelle, quoique ce point-là n’ait pas été soulevé à la tribune.

La nouvelle d’un arrangement pacifique entre la Prusse et l’Autriche, apportée à l’assemblée par M. le général de La Hitte, simplifiait d’avance la discussion de politique étrangère. L’arrangement n’était pas et n’est pas encore tellement catégorique, qu’il dispensât le gouvernement des précautions militaires que celui-ci avait jugées convenables pour appuyer la neutralité de la France ; ce qui devenait maintenant superflu, c’étaient les discours préparés sur « la question allemande, » déjà si clairement élucidée par le rapporteur. Il n’était plus de raison d’engager à la paix des cabinets qui reculaient d’eux-mêmes devant la guerre, et, quant à ceux qui les auraient voulu lancer tout de suite en campagne, ils n’avaient plus qu’à leur reprocher de ne s’être point battus, ce qui n’est pas un beau rôle, et ne sert de rien quand on en reste soi-même aux harangues. M. Mathieu (de la Drôme) n’a pourtant pas eu de ces scrupules, et, sous prétexte de démontrer l’inutilité des mesures sollicitées par le gouvernement, il a soulagé son cœur en injures contre les auteurs d’un accommodement qui trompait ses espérances révolutionnaires. M. Emmanuel Arago ne cède pas, comme M. Mathieu (de la Drôme), à ces colères indiscrètes ; il a fait très vite son apprentissage de diplomate et, s’il niait l’opportunité d’un appel de quarante mille hommes, c’est parce qu’il était sûr que les négociations diplomatiques suffiraient pour tout régler. Le fonds de cette rare confiance que les montagnards témoignaient pour l’efficacité de la diplomatie germanique, c’était la bonne envie de ne pas avoir en France quarante mille hommes de plus prêts à tout événement, destination de sûreté nationale que le rapport de M. de Rémusat assigne expressément aux nouvelles recrues, à défaut d’un emploi plus lointain dans une guerre étrangère. La commission l’assemblée, le gouvernement, ont pensé que dans cette double hypothèse il fallait toujours ménager des renforts à l’armée, et une majorité de 406 voix contre 213 a voté les huit millions nécessaires pour l’appel et l’incorporation des conscrits.

Ce vote lui-même, nous le répétons, n’est pas le principal de l’affaire : sur