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la charte républicaine oppose à l’autorité présidentielle ; mais, comme elle n’est pas en humeur de souffrir qu’on la gagne elle-même de vitesse dans la solution des questions d’avenir, elle s’attache exactement à se conserver tous les avantages de position qu’elle tire du régime présent. Ainsi retranchée, la prérogative parlementaire peut être désagréable à la prérogative présidentielle, et c’est une raison pour elle de ne pas se retrancher sans motif avec trop d’affectation ; elle peut être désagréable, elle est inattaquable. Aussi la thèse constitutionnelle du rapport de M. de Rémusat n’a-t-elle point rencontré de résistance chez les amis les plus vifs que le président ait dans l’assemblée. Il n’y avait en effet qu’un moyen de la combattre : c’était de se jeter en dehors de la constitution et de parler pour le temps où elle n’existera plus, comme si l’on était déjà chargé du fardeau de ce temps-là et obligé de pourvoir à ses nécessités ; c’était de se poser, par une hypothèse impolitique, en maîtres assurés d’un avenir que cette constitution sans doute ne gouvernera pas, mais qu’il ne siérait à personne de revendiquer trop hautement d’avance comme son domaine. Personne ne s’est trouvé non plus qui fût si présomptueux au sein du parlement. La presse a été moins timide ; ce n’est toujours point par timidité qu’elle pèche de ce côté-là, et elle a vengé à sa façon l’initiative présidentielle du rigorisme avec lequel le pouvoir législatif la surveillait. Elle a parlé selon son usage de la prérogative du président comme d’une prérogative césarienne, et péroré en 1850 du ton qu’elle aurait au lendemain d’un 1852 réussi. C’est ce ton-là, si l’on n’en rabat, qui gâtera la réussite. On a dit très justement que dans cette grande et inévitable lutte le succès serait au plus sage ; ne nous lassons pas de répéter que le plus sage sera celui qui paraîtra le moins pressé.

Il est d’ailleurs une remarque que nous nous plaisons à faire : le langage qui sort de la bouche même du président nous rassure presque toujours contre les hardiesses que ses partisans du journalisme laissent trop volontiers couler de leur plume. C’est ce qui nous est arrivé à la fête de l’Hôtel-de-Ville. La circonstance était belle et curieuse par les contrastes qu’elle rappelait. Cette maison commune, le théâtre de toutes les révolutions, le chef-lieu de tous les gouvernemens insurrectionnels, le point de mire de tous les complots à main armée, redevenue désormais le palais hospitalier d’une municipalité libérale et paisible, célébrait dignement une restauration si merveilleuse en conviant à ses solennités plus princières que bourgeoises le premier magistrat de la république, qui avait contribué pour sa bonne part à lui faire de si brillans loisirs. Cette pompe déployée en son honneur, les réminiscences impériales auxquelles le préfet de la Seine s’était un peu visiblement arrêté dans son discours, n’ont pas dérangé l’équilibre moral que le président a gardé dans sa réponse tel qu’il l’avait trouvé pour le message. Les termes du message restent le dernier mot de sa politique. « On compte sur l’avenir, dit-il, parce qu’on sait que, si des modifications doivent avoir lieu, elles s’accompliront sans trouble. » Et plus bas encore : « Ce sont les grands principes, les nobles passions telles que la loyauté et le désintéressement qui sauvent les sociétés, et non les spéculations de la force et du hasard. » Il n’y a donc là ni plus ni moins qu’un nouveau manifeste du système d’abnégation sur lequel le président a voulu édifier le repos public jusqu’en 1852 ; c’est le renouvellement de la trêve