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parti conservateur firent penser à M. le comte Molé et à ses collègues que le moment n’était pas opportun pour la présentation d’un nouveau projet de loi de dotation si rapproché du premier.

Je fus chargé par mes collègues d’aller faire connaître au roi la résolution du cabinet. Aucun d’eux, on le comprendra sans peine, n’était pressé d’aller porter à Saint-Cloud une résolution qui devait y être reçue avec un vif déplaisir. Ils pensèrent d’ailleurs avec raison que mon dévouement bien connu pour la famille royale donnerait à leur délibération le caractère qui lui appartenait réellement, celui d’un ajournement prononcé à regret, et inspiré seulement par l’intérêt bien entendu de la couronne. Après m’avoir entendu, le roi fit appeler la reine et Mme Adélaïde, et m’imposa la pénible mission de leur faire connaître moi-même la résolution du cabinet, en reproduisant devant elles tous les motifs qui l’avaient dictée. Ce fut le seul témoignage du mécontentement que lui avait causé ma démarche. Au moment où je me retirais : « Je ne me rends, me dit tristement le roi, à aucune des raisons que vous avez exposées pour justifier une décision qui me blesse et me cause un profond chagrin ; mais, ajouta-t-il en relevant la tête, que le ministère fasse bien les affaires du pays, tout le reste sera bientôt oublié. » On se souvient que, peu de temps après, le roi soutint énergiquement le comte Molé dans sa lutte glorieuse contre les ambitions parlementaires coalisées, qu’il lui accorda deux dissolutions successives, et qu’il fit encore, au dernier moment, les plus grands efforts pour le retenir, lui et ses collègues. Le ministre qui avait porté à Saint-Cloud la décision du cabinet relative à la dot de la princesse Marie reprit alors près du roi ses anciennes fonctions d’intendant général de la liste civile, recevant ainsi de nouvelles marques d’une confiance qui sera l’honneur de sa vie.

De tels actes, les paroles que nous avons citées, et qui en résument si bien le caractère, démontrent mieux que nous ne saurions le faire avec quelle conviction profonde Louis-Philippe cherchait à faire triompher le droit de sa famille, avec quelle fermeté d’ame il savait le subordonner aux intérêts de son gouvernement.

Cependant cette victoire du roi sur lui-même ne faisait qu’accroître ses embarras personnels, en retardant l’exécution de la disposition légale qui du moins avait assuré des dotations et des dots aux princes et aux princesses de la famille royale, en cas d’insuffisance du domaine privé. Cette insuffisance avait été démontrée et admise en principe par les chambres, lorsqu’elles avaient alloué la dot de la princesse Louise d’Orléans devenue reine des Belges ; mais, par une contradiction étrange ou plutôt par l’effet de certaines combinaisons parlementaires, d’autres dispositions se firent jour dans la chambre des députés. La dotation de M. le duc de Nemours vint échouer tout à coup devant