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pressentiment intime lui disait d’ailleurs que tôt ou tard le Louvre serait achevé. Cette pensée d’achèvement, si elle ne devait pas être suggérée par l’intérêt de l’état ou l’orgueil des bourgeois de Paris, prendrait inévitablement naissance quelque jour dans l’esprit d’opposition, jaloux d’exécuter surtout ce que le roi aurait voulu, mais n’aurait pas pu entreprendre. Le roi tourna donc principalement ses efforts du côté des palais qui, situés à une certaine distance de Paris, entourés de populations faibles ou pauvres, ne pouvaient rien attendre de l’intervention de l’état. Il voulut faire et il fit ce que nul prince et nul gouvernement n’eussent fait après lui.

Le palais de Versailles occupa surtout la pensée du roi. Dans cet admirable monument du règne de Louis XIV, la première république avait plus d’une fois poursuivi les plus grands souvenirs de la monarchie française. Dépouillé, en 1794, de ses meubles et de ses ornemens les plus précieux, le palais de Versailles fut successivement destiné à devenir une succursale des Invalides, ou à être morcelé et vendu. Plus tard, en 1808, l’empereur Napoléon exprimait la volonté de le faire disposer comme résidence impériale pendant l’été. En 1814, une des premières pensées de Louis XVIII, à son avènement au trône, fut de rétablir la cour à Versailles ; il recula bientôt, comme avait reculé l’empereur lui-même, devant les dépenses qu’auraient entraînées l’arrangement intérieur et l’ameublement du palais, et il se borna à faire restaurer les peintures et les dorures des grands appartemens. Enfin, dès les premiers mois de 1831, la pensée d’établir à Versailles des invalides militaires fut reproduite et faillit triompher. La résistance énergique du roi, aidée de l’opinion de quelques-uns de ses ministres, refoula ce projet dans le passé révolutionnaire.

Louis-Philippe résolut alors de sauver pour toujours l’ancienne demeure de son auguste aïeul, si souvent menacée par l’incessante mobilité du pouvoir et des idées ; il voulut la mettre hors de l’atteinte des révolutions par la grandeur d’une destination nouvelle, et il atteignit ce but en consacrant le palais de Versailles à toutes les gloires de la France. La révolution de février a mis le trône en poudre, et cependant la grande œuvre de Louis-Philippe reste debout, destinée à vivre autant que la civilisation même, sans autres ennemis que les réformateurs modernes et la barbarie qui leur fait cortége. Dès que la pensée créatrice du roi se révéla, le pays comprit qu’il y avait dans l’œuvre projetée un grand intérêt d’honneur national, et répondit par une immense acclamation. Les partis semblèrent tomber une fois d’accord, et la haine même fut réduite à se courber sous la pression du sentiment universel. Ce jour-là, le roi eut comme un avant-goût des grandes justices de l’histoire.

Le vaste musée de Versailles est, en effet, l’œuvre personnelle de Louis-Philippe. Pendant plusieurs années, il y a consacré à la fois tous