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29 juillet 1840, M. de Lagau prit officiellement possession de tout le plateau de cette colline ; le 25 août suivant, il posa la première pierre du pieux monument, et l’inauguration de la chapelle de saint Louis[1] put avoir lieu à pareil jour de l’année 1841, en présence d’une division navale qui voyait avec joie la croix du Christ reparaître, après six siècles, sur le point le plus apparent d’un rivage musulman.

Quelques jours avant cette solennité, le transport de la statue de saint Louis, destinée à la chapelle, avait été marqué par un incident digne d’intérêt. Le chariot construit à cette occasion n’ayant pu être mis en mouvement par douze chevaux de trait, le bey fit mettre à la disposition du chargé d’affaires de France trois cents nizams. On vit alors les fils des infidèles que saint Louis était venu combattre s’atteler à ce chariot et le conduire, tambour en tête, jusqu’au sommet du mont Louis-Philippe. Cet hommage rendu à l’un de nos plus grands rois produisit une telle impression sur les indigènes, qu’ils ne tardèrent pas à considérer la chapelle royale comme un marabout ou lieu d’immunités, et l’on a vu plus d’une fois des familles musulmanes menacées par des ennemis puissans aller dresser leurs tentes près de la demeure du saint français, pour y chercher une sécurité qu’elles y trouvent toujours. C’est qu’en effet le caractère de cet épisode des travaux ordonnés par le roi ne fut pas seulement d’avoir honoré dignement la mémoire de son héroïque aïeul, mais encore d’avoir fortifié l’influence française à Tunis. Grace à cette influence, l’épiscopat de Carthage a été rétabli, l’hôpital et le collége Saint-Louis se sont successivement élevés à l’ombre de la croix qui surmonte la chapelle, et les premiers pas ont été faits vers l’abolition de l’esclavage, qui a été décrétée depuis dans toute l’étendue de la régence.

L’ensemble des travaux ordonnés par le roi pendant les dix-huit années de son règne, dans le service des bâtimens de la couronne, a exigé une dépense de près de 53 millions et demi ; mais il importe de décomposer ce chiffre et de distinguer les dépenses d’entretien ordinaire, qu’on pouvait regarder comme obligatoires, des dépenses purement facultatives, auxquelles le roi n’était pas tenu de pourvoir, qu’il pouvait ajourner, modifier ou supprimer entièrement, suivant les seules inspirations de sa volonté. En effet, c’est là qu’il faut chercher l’étendue de ses libéralités envers l’état et la mesure des calomnies dont il a été l’objet ; nous poursuivrons successivement cette recherche dans toutes les parties de la dotation immobilière de la couronne.

Le chiffre total des dépenses dans les palais et bâtimens du domaine royal se décompose ainsi qu’il suit :

  1. Cette chapelle fut construite par M. Jourdain, d’après les plans de son vénérable maître, M. Fontaine, dont le nom est si honorablement lié, par ses travaux, aux règnes de Napoléon et de Louis-Philippe.