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car, à mesure que l’on s’élève, les couches atmosphériques diminuant de densité, le gaz hydrogène renfermé dans l’aérostat acquiert plus d’expansion en raison de la diminution de résistance de l’air extérieur. Les parois du ballon céderaient sous l’effort du gaz, si on ne lui ouvrait pas une issue ; aussi l’aéronaute observe-t-il avec beaucoup d’attention l’état de l’aérostat, et, lorsque ses parois très distendues indiquent une grande expansion du gaz intérieur, il ouvre la soupape et laisse échapper un peu d’hydrogène. Blanchard, tout-à-fait dépourvu de connaissances en physique, ignorait entièrement cette particularité. Son ballon s’éleva gonflé outre-mesure, et l’imprudent aéronaute, ne comprenant nullement le péril qui le menaçait, s’applaudissait de son adresse et admirait ce qui pouvait causer sa perte. Les parois du ballon font bientôt effort de toutes parts, elles vont éclater : Blanchard, arrivé à une hauteur considérable, cède moins à la conscience du danger qui le menace qu’à l’impression d’épouvante causée sur lui par l’immensité des mornes et silencieuses régions au milieu desquelles l’aérostat l’a brusquement transporté. Il ouvre la soupape, il redescend, et cette terreur salutaire l’arrache au péril où son ignorance l’entraînait. Blanchard se vanta de s’être élevé quatre mille mètres plus haut qu’aucun des aéronautes qui l’avaient précédé, et il assura avoir dirigé son ballon contre les vents à l’aide de son gouvernail et de ses rames ; mais les physiciens qui avaient observé l’aérostat démentirent son assertion, et publièrent que les variations de sa marche devaient être uniquement attribuées aux courans d’air qu’il avait rencontrés. Comme il avait écrit sur les banderoles de son ballon et sur les cartes d’entrée cette devise fastueuse : Sic itur ad astra, on lança contre lui cette épigramme :

Au Champ-de-Mars il s’envola,
Au champ voisin il resta là ;
Beaucoup d’argent il ramassa :
Messieurs, sic itur ad astra

Le 4 juin 1784, la ville de Lyon vit s’accomplir une nouvelle ascension aérostatique, dans laquelle, pour la première fois, une femme, Mme Thible, brava dans un ballon à feu les périls d’un voyage aérien. Cette belle ascension fut exécutée en l’honneur du roi de Suède, qui se trouvait alors de passage à Lyon.

Pilâtre des Rosiers et le chimiste Proust exécutèrent bientôt après à Versailles, en présence de Louis XVI et du roi de Suède, un des voyages aérostatiques les plus remarquables que l’on connaisse. L’appareil était dressé dans la cour du château de Versailles. À un signal qui fut donné par une décharge de mousqueterie, une tente de quatre-vingt-dix pieds de hauteur, qui cachait l’appareil, s’abattit soudainement, et