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et soumise au comité de salut public, qui l’accepta avec la seule réserve de ne pas se servir d’acide sulfurique pour la préparation du gaz hydrogène, l’acide sulfurique s’obtenant, comme on le sait, par la combustion du soufre, et le soufre, nécessaire à la fabrication de la poudre, étant à cette époque très rare et très recherché en France, en raison de la guerre extérieure. Il fut donc convenu que l’hydrogène serait préparé par la décomposition de l’eau au moyen du fer porté au rouge. On sait que, quand on dirige un courant de vapeur d’eau sur des fragmens de fer incandescens, l’eau se décompose ; son oxygène se combine avec le fer pour former de l’oxyde de fer, et son hydrogène se dégage à l’état de gaz. Cette expérience, exécutée pour la première fois par Lavoisier, n’avait été faite encore que sur une très petite échelle : il fallait s’assurer si l’on pourrait la pratiquer avec avantage dans de grands appareils, et si l’on pourrait appliquer ce procédé au service régulier des aérostats. Guyton de Morveau avait pour ami un jeune homme nommé Coutelle, qui s’occupait de travaux scientifiques, et qui avait formé un beau cabinet, où se trouvaient réunis tous les appareils nécessaires aux expériences sur les gaz, sur la lumière et sur l’électricité. Les chimistes et les physiciens de Paris venaient souvent faire leurs expériences dans ce laboratoire. Coutelle était donc connu de tous les savans de la capitale comme physicien très exercé, et Guyton de Morveau proposa à la commission de le charger des premiers essais à faire pour la production de l’hydrogène en grand à l’aide de la décomposition de l’eau. Coutelle fut installé aux Tuileries dans la salle des Maréchaux ; on lui donna un aérostat de neuf mètres de diamètre, et l’on mit à sa disposition tous les produits et tous les matériaux nécessaires. Voici comment il procéda à la préparation du gaz : il établit un grand fourneau dans lequel il plaça un tuyau de fonte d’un mètre de longueur et de quatre décimètres de diamètre, qu’il remplit de cinquante kilogrammes de rognures de tôle et de copeaux de fer. Ce tuyau était terminé à chacune de ses extrémités par un tube de fer ; l’un de ces tubes servait à amener le courant de vapeur d’eau qui se décomposait au contact du métal, l’autre conduisait dans le ballon le gaz hydrogène résultant de cette décomposition. Quand tout fut prêt, Coutelle fit venir, pour être témoins de l’opération, le professeur Charles et Jacques Conté, physicien de ses amis. En raison de divers accidens, l’opération fut très longue, elle dura quatre jours et trois nuits. Cependant elle réussit très bien en définitive, car on retira cent soixante-dix mètres cubes de gaz. La commission fut satisfaite de ce résultat, et dès le lendemain Coutelle recul l’ordre de partir pour la Belgique, et d’aller soumettre au général Jourdan la proposition d’appliquer les aérostats au service de son armée.

Le général Jourdan venait de prendre le commandement des deux