Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et piémontaise étaient de nouveau aux mains dans les plaines de la Lombardie et que de violentes commotions se préparaient en Allemagne, le conseil fédéral décréta le renvoi de quelques réfugiés allemands qui travaillaient à lever une légion germano-helvétique pour le gouvernement provisoire sicilien. Bientôt après, les mouvemens insurrectionnels recommencèrent en Allemagne, où ils envahirent le Palatinat et le grand-duché de Bade. Cette fois-ci, l’armée elle-même en donna le signal, et la population entière y accéda ; il n’y eut qu’un certain nombre d’officiers et de fonctionnaires qui ne voulurent pas s’y associer et qui s’éloignèrent du pays. Beaucoup d’entre eux cherchèrent un asile en Suisse ; ils furent précédés ou suivis par une quantité de familles du sud de l’Allemagne, de toute condition, depuis le simple propriétaire jusqu’aux princes de Fürstenberg et de Hohenlohe, qui mirent leurs personnes et une partie de leurs biens en sûreté sur le territoire suisse. Les démocrates allemands demandèrent plus instamment que jamais à la Suisse de leur porter secours ; si on les avait écoutés, quelques milliers de corps-francs auraient envahi le Wurtemberg. Ce pays n’était pas moins miné par le radicalisme que le grand-duché ; l’armée, ébranlée pendant quelques jours, n’avait été contenue que par l’intervention personnelle et courageuse du roi. Celui-ci avait toujours montré beaucoup de bienveillance pour la Suisse ; il s’était autrefois opposé à des mesures rigoureuses que le prince de Metternich avait voulu faire exécuter contre elle par les états du sud de l’Allemagne : le moment était venu pour la Suisse de lui en témoigner sa reconnaissance. Toutes les demandes des démocrates allemands restèrent sans écho chez les populations helvétiques ; il n’y eut qu’un très petit nombre de volontaires qui se rendirent isolément à Bade et qu’on baptisa du nom pompeux de légion suisse.

Les Allemands toutefois ne se tinrent pas pour battus. Pendant nombre d’années, les chefs radicaux s’étaient habilement servis des tirs fédéraux pour leurs motions incendiaires. Au commencement de juillet 1849, le tir fédéral eut lieu à Aarau ; un Badois y sollicita les secours de la Suisse en faveur de la cause républicaine allemande ; M. Keller d’Argovie lui répondit par un refus poli, mais net, auquel la foule applaudit vivement. Ces applaudissemens étaient d’autant plus significatifs, que deux agens de la propagande de Paris venaient de parcourir la Suisse, pressant les affiliés de se rendre au tir pour faire une démonstration. M. Keller, que nous venons de nommer, est le même qui, bien que catholique, avait proposé le premier, en 1841, la suppression des couvens, puis, en 1844, l’expulsion des jésuites.

L’armée révolutionnaire de Bade et du Palatinat, une fois en retraite et poursuivie par les troupes prussiennes, parut plus vite aux frontières suisses qu’on ne s’y attendait. Aussi les cantons frontières furent-ils obligés de lever en toute hâte leurs milices, sans attendre les ordres