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tardifs des autorités fédérales : ils ne parvinrent qu’avec peine à empêcher les combattans de poursuivre la lutte sur le sol helvétique. Les débris des colonnes révolutionnaires entrèrent par différens points en Suisse avec plusieurs parcs d’artillerie et au nombre de dix à douze mille hommes en tout. Les réfugiés, qui précédemment n’avaient pas obtenu de la Suisse les secours qu’ils lui avaient demandés, espéraient au moins y trouver les sympathies les plus vives ; mais leurs espérances furent encore déçues. On remplit envers eux les devoirs que l’hospitalité réclamait pour le moment, mais on ne fit rien de plus. Le conseil fédéral prit en main l’affaire des réfugiés et les répartit entre les cantons ; il leva en même temps vingt-cinq mille hommes. Cette levée fut motivée en apparence sur le fait d’une violation du territoire suisse commise par les troupes allemandes ; en réalité, elle devait prouver qu’au besoin on saurait sauvegarder l’honneur de la Suisse ; elle était destinée aussi à calmer les clameurs de l’opposition radicale. Le 16 juillet, le conseil fédéral publia un arrêté en vertu duquel les chefs politiques et militaires, ainsi que les autres agens principaux de l’insurrection dans la Bavière rhénane et dans le grand-duché de Bade, devaient être renvoyés du territoire suisse. La majorité des deux sections de l’assemblée fédérale, réunie au commencement d’août, approuva ces mesures ; les efforts de la minorité pour les faire désavouer demeurèrent infructueux. Le conseil restitua aussi aux gouvernemens allemands le matériel de guerre amené en Suisse par les corps de réfugiés. Le plus grand nombre de ceux-ci, soldats et sous-officiers, rentrèrent peu à peu dans leur pays. Au mois de novembre, le conseil publia des listes supplémentaires de chefs réfugiés appelés à quitter la Suisse. Cette fois encore, la minorité de l’assemblée fédérale s’efforça de faire désapprouver ces mesures, mais toujours en vain ; défendue surtout par MM. Ochsenbein et Druey, la politique du conseil fédéral triompha.

Dès-lors le conseil fédéral, sûr de l’assentiment de la diète, put marcher avec confiance dans la voie qu’il s’était tracée. Les mesures qu’il a prises ont peu à peu réduit le nombre des réfugiés en Suisse à une douzaine de chefs et à un millier de soldats des sociétés secrètes. Le gouvernement français avait appuyé les mesures des autorités fédérales en facilitant aux principaux réfugiés le passage par la France pour se rendre en Angleterre et aux États-Unis. Peu de temps après, le conseil fédéral fit un pas de plus en faisant main-basse, au mois de février 1850, sur les associations d’ouvriers allemands en Suisse. Plusieurs branches des sociétés secrètes avaient, depuis 1830, incessamment travaillé à se fixer en Suisse, à y exercer leur funeste activité, et encore plus à la propager dans les états limitrophes[1]. En 1843, le

  1. Un bon ouvrage sur cette matière e paru en 1847, en allemand, à Bâle : Die geheimen deutschen Verbindungen in der Schweiz seit 1833 (les Sociétés secrètes allemandes en Suisse depuis 1833) ; il a été complété par celui de M. Hennequin : le Communisme et la Jeune Allemagne en Suisse, Paris, 1850.