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sur lesquelles est bâti le budget socialiste. Le budget de l’instruction publique qui doit, suivant l’avis de M. Pelletier lui-même s’accroître chaque année, exigera certainement, une année ou l’autre, plusieurs centaines de millions.

L’administration de la justice coûte 26 millions à la France. Le budget de M. Pelletier ramène cette dépense à vingt millions. Pour obtenir cette économie, il renverse, sans égard pour les services qu’il a rendus, notre système judiciaire. Plus de cours d’appel, plus de tribunaux de première instance. Le socialisme supprimerait un degré de juridiction en créant un tribunal par département et en érigeant en tribunal la justice de paix, sans parler des tribunaux communaux eu de famille, dont les fonctions, quoi qu’en dise M. Pelletier, ne resteraient pas long-temps gratuites. Or, trente-huit mille tribunaux de commune, à mille francs chacun, ce qui est un minimum très modique, donneraient cent quatorze mille fonctionnaires de plus, et coûteraient 38 millions à l’état. Voilà l’économie de personnel et d’argent que l’on nous propose !

M. Pelletier maintient provisoirement le budget des cultes, mais les socialistes aspirent à le supprimer en séparant complètement le clergé de l’état. Qu’y gagnera le pays au point de vue de ses finances ? Que le clergé catholique reçoive un traitement payé par le trésor public. ou qu’il doive le pain quotidien à des souscriptions, à des collectes faites parmi les fidèles, la charge restera la même ; sous une forme comme sous une autre, ce sera la masse des contribuables qui paiera la véritable question est celle de savoir si la France achète trop cher, au prix de 40 millions, l’entretien des cultes reconnus et l’enseignement de la morale. M. Pelletier s’élève contre le traitement des archevêques et contre celui des évêques, qu’il voudrait abaisser au niveau de celui des curés. Cela revient à dire qu’il ne faut pas de hiérarchie pour le clergé, et que les choses vont mieux, dans la religion comme dans l’état, lorsque personne n’obéit, et que tout le monde commande. Le pouvoir, même dans l’ordre spirituel, a besoin de signes extérieurs auxquels on le reconnaisse. Qu’on ne s’y méprenne donc pas, détruire les inégalités de traitement, ce serait abolir la hiérarchie religieuse, et détruire la hiérarchie, ce serait proclamer le règne du désordre moral. Au fond, voilà le but réel des socialistes ; ils ne veulent pas plus de religion qu’ils n’admettent de pouvoir. Élevés dans les doctrines d’un panthéisme grossier, ils ne reconnaissent plus guère ni ame dans l’homme, ni Dieu dans le monde, à force de se consacrer au culte abrutissant de la matière. Les financiers du socialisme ont beau s’en défendre aujourd’hui : ils supprimeront le budget des cultes, et bientôt les cultes eux-mêmes ; mais les finances de l’état n’y gagneront rien. Pour chaque prêtre que l’on aura congédié, il faudra porter au chapitre