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l’éperon, qu’il frappe l’immobilité, qu’il détermine les capitalistes à employer leurs fonds de la façon la plus productive, et que par suite l’intérêt tend à se niveler entre les divers placemens. Avec cet argument, l’on pense établir qu’Inn système qui n’est pas conforme aujourd’hui à la justice distributive se rapprochera par la force des choses de l’équité, dans cent ans, dans cinquante ans peut-être. En supposant l’assertion fondée, il ne faudrait pas s’y arrêter, car, les gouvernemens ont pour mission non pas de régir les intérêts qui peuvent exister, mais de s’adresser à ceux qui existent. Ils n’ont pas le droit de surcharger ni de compromettre un présent qui mérite toute leur attention, au profit d’un avenir obscur, conjectural, incertain, et qui est encore dans les limbes : c’est la richesse acquise et non pas la richesse possible qui doit tribut à l’état.

Mais je n’admets pas que, même dans l’avenir, l’impôt sur le capital, dût-il stimuler l’activité des capitalistes les plus indifférens, puisse jamais être équitable. En effet, le produit des capitaux ne dépend pas uniquement de la nature des placemens ; il tient aussi, il tient principalement à l’habileté et à l’activité de ceux qui les mettent en œuvre. Il est très souvent personnel, comme le crédit : la terre est libérale pour le cultivateur, intelligent et avare de ses dons pour l’agriculteur négligent ou inhabile ; l’industrie rend ce qu’on lui fait rendre. Parler du capital sans considérer le revenu, et parler du revenu sans avoir égard au travail qui l’enfante, c’est se livrer à la plus puérile des abstractions.

Indépendamment de cette difficulté, l’état assumerait un rôle qui ne lui convient pas, en devenant l’assureur à prime et le garant universel des fortunes. L’impôt, dans sa forme la plus simple, doit être la rémunération d’un service rendu ; mais quels sont les services que l’état doit rendre ? L’état représente les intérêts généraux du pays ; il lui appartient d’y faire régner le bon ordre, de mettre à l’abri de toute atteinte inférieure ou extérieure la liberté, la sécurité, la propriété, le travail et la morale publique. En échange de cette garantie qu’il donne à chaque citoyen et à tous, chacun lui doit la part de son revenu qui est nécessaire pour subvenir aux dépenses du gouvernement. L’état est l’assureur des intérêts généraux ; mais c’est la seule garantie qu’il ait mission de donner. Quand on lui demande d’attacher sa caution aux intérêts particuliers, on cherche à le transporter hors de sa sphère naturelle. Le gouvernement n’est pas fait pour indemniser les contribuables de l’inclémence des saisons, de la rigueur des élémens, ni de l’imprudence ou de l’audace criminelle des hommes. Il appartient à la prévoyance humaine de chercher et de trouver des remèdes contre tous ces accidens. Chacun de nous n’a-t-il pas la ressource de t’épargne individuelle et de l’association collective ? Les gouvernemens