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Voilà sa mission, et comme il n’y a pas de plus grande force en ce monde que d’avoir un but à poursuivre, le jour où l’Autriche comprendra sérieusement cette tâche nouvelle, elle sera plus qu’à demi transformée.

On doit espérer que le gouvernement autrichien, réveillé déjà par tant de secousses fatales, entrera avec suite dans cette politique féconde. Ce qu’il y a de certain, c’est que la nécessité l’exige et que les populations l’y convient. Un symptôme bien important, en effet, des modifications qui s’opèrent au sein de la conscience publique, c’est la foi de ces différens peuples, Tchèques, Illyriens et Magyars, dans le rôle que la Providence et l’histoire ont assigné à la monarchie des Habsbourg. Au milieu de l’effervescence de 1848, et en dépit des excitations démagogiques, les peuples autrichiens n’ont cessé de croire à la mission du pouvoir central, à l’action efficace de son autorité ; les Tchèques de la Bohême et les Croates de l’Illyrie ont réclamé des droits nationaux : ils n’ont jamais songé à la destruction de cette monarchie qui est, ils le sentent d’instinct, une condition essentielle de leur existence. Que les prétentions des races diverses puissent avoir pour résultat l’affaiblissement de la monarchie, c’est une question à débattre ; on ne fixera pas en un jour les rapports de ces races entre elles et leur situation vis-à-vis de l’autorité commune ; il faut pour cela beaucoup de temps, beaucoup d’études, et peut-être des expériences qu’on sera obligé de recommencer plus d’une fois ; il est clair du moins que, si les prétentions peuvent être souvent dangereuses, les intentions sont toujours bonnes, et que les plus fiers d’entre ces peuples visent à la transformation, non pas au démembrement de l’Autriche. Les Magyars eux-mêmes, cette brillante et hautaine aristocratie qui a tenu tout l’empire en échec, pense-t-on qu’elle ait pris les armes pour conquérir une indépendance absolue ? Ce serait confondre à plaisir toutes les phases de cette malheureuse guerre. Au commencement de la lutte, quand aucun élément étranger ou factice n’était venu troubler les premiers sentimens de la révolte, les Hongrois invoquaient sans cesse la gloire et le salut de la monarchie : singulière insurrection, respectueuse pour la puissance impériale, et bien décidée à la reconnaître après l’avoir battue ! Le résumé de ces luttes confuses, c’est une rivalité de races qui tendent au pouvoir, qui veulent s’y faire la place la plus large, mais qui n’ont point d’intérêt à le détruire. Quand les révoltes marchent au secours de Vienne le 9 octobre 1848, une proclamation signée du président de l’assemblée nationale de Hongrie et du commandant supérieur de l’armée déclare naïvement ce principe « Nous sommes convaincus, s’écrient-ils, qu’en chassant de l’Autriche l’armée de Jellachich, nous rendrons le plus grand service et à la liberté d’un peuple frère et à la dynastie des Habsbourg. L’armée hongroise