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est prête à vivre et à mourir pour la monarchie autrichienne ! » Ces dispositions se prolongèrent long-temps ; il fallut, pour les modifier, que la guerre de Hongrie changeât complètement de caractère, il fallut que la démagogie européenne, vaincue à Paris, à Berlin et à Vienne, fît alliance avec l’aristocratie des Magyars, et qu’une lutte nationale devînt une campagne révolutionnaire. Lorsque M. Kossuth, ouvrant la diète à Debreczin le 14 avril 1849, proposa et obtint la déchéance des Habsbourg, ce n’était plus l’ancienne Hongrie qui répondait par ce décret aux paroles enflammées du tribun, c’était la Hongrie telle que les passions du moment l’avaient faite. Ces explosions de la vengeance n’empêchent pas l’antique foi des peuples de persister dans l’ombre. Cette foi dans la nécessité de l’empire n’est pas morte ; elle renaîtrait au besoin, s’il était vrai qu’elle se fût effacée. Malgré tout le sang précieux versé de part et d’autre, les haines, si ardentes qu’elles soient, ne mettront pas obstacle à une conclusion imposée par la nature des choses. Puisse une lutte pacifique s’ouvrir entre ces races, puisse une émulation féconde succéder aux horreurs d’une lutte impie et faire disparaître à jamais tous les souvenirs néfastes ! Tel est le but indiqué, et, si rien ne serait plus honorable que le succès d’une telle entreprise, il faut ajouter surtout que rien ne serait plus nécessaire : ce qui sera un titre de gloire est en même temps la condition du salut. Dans une situation si pressante, avec les ressources qu’elle s’est acquises, et l’ardeur qui la soutient, comment ne pas espérer que ce grand idéal réglera désormais la politique de l’Autriche nouvelle ?

La politique de l’Autriche ! ces mots seuls révèleraient un progrès considérable. L’Autriche n’avait pas de politique avant les événemens terribles qui l’ont rappelée au sentiment de ses devoirs : on administrait à Vienne, on ne gouvernait pas. Quand une nation est soumise à une autorité sans contrôle, et que, soit par son développement intérieur, soit par l’influence de ses voisins, elle offre pourtant une sorte de résistance passive, il arrive presque toujours que le pouvoir, malgré tous les privilèges dont il jouit, est forcé peu à peu de remplacer la politique par l’administration. Gouverner au nom des principes de l’absolutisme, diriger systématiquement l’Autriche dans les voies des régimes évanouis, était-ce possible au milieu du développement intellectuel de l’Allemagne et sous le regard de la Prusse ? Il n’était guère plus possible de changer de principe ; l’Autriche n’était pas préparée au rôle de puissance libérale, et, à supposer même qu’elle eût pu l’être, la Prusse, en s’emparant de cette position, l’avait fermée à sa rivale. Arrêtés ainsi de toutes parts, les hommes d’état autrichiens se résignèrent à ne plus gouverner ; l’administration devint le but du pouvoir : administration douce, honnête, paternelle sur bien des points, routinière et défiante pour tout ce qui tenait aux ques-