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suisses, qui n’est qu’un mélange d’élémens absolutistes et révolutionnaires. Indépendant et n’appartenant qu’à lui-même, le principe libéral conservateur combat tout particulièrement celui des deux extrêmes qui prédomine. M. Rohmer parvint à raffermir le gouvernement de Zurich par la formation d’un parti qui, fidèle à ce principe et travaillant sans relâche à repousser le radicalisme allemand, à rétablir les rapports organiques entre l’esprit suisse et l’esprit germanique, à vider les questions intérieures en épurant les élémens conservateurs de toutes les tendances absolutistes, attirait à lui les élémens libéraux du parti radical. Ce parti s’efforça de vaincre la presse radicale par la lutte la plus animée et la plus intrépide. Bientôt il se mit en rapport avec les élémens analogues dans toute la Suisse intérieure ; il tenta de courageux efforts pour résoudre les questions générales ; il proposa de réparer l’injustice commise par la suppression des couvens d’Argovie, il prépara aussi une réforme du pacte en dehors de toutes les idées radicales et unitaires. En 1844, le radicalisme semblait avoir perdu toute chance de révolutionner la Suisse, et M. Rohmer, jugeant sa présence désormais inutile à Zurich, retourna à Munich, où il a constamment tenu la même ligne dans les questions allemandes, et où l’opinion publique l’a mis au premier rang des hommes politiques et des publicistes dans l’Allemagne du midi.

Cependant l’appel des jésuites par le gouvernement. de Lucerne vint couronner bientôt une politique d’autant plus funeste, que sans aucune nécessité elle jetait le gant à cette monomanie contre les jésuites qui travaillait alors toute l’Europe. Le radicalisme eut dès-lors un mot d’ordre au moyen duquel il parvint à renverser les gouvernemens et les partis libéraux conservateurs, et plus tard même à provoquer une crise décisive. Néanmoins la lutte opiniâtre du parti libéral conservateur contre la coalition des intérêts du radicalisme et de la réforme avait ôté à la guerre civile tout caractère confessionnel, et la lutte non moins persévérante contre la démagogie étrangère empêcha celle-ci de s’emparer de la direction de cette guerre. La crise helvétique a été le prélude de la crise européenne ; seulement la Suisse a échappé au péril d’être englobée dans la fièvre révolutionnaire de 1848.

Zurich et la Suisse orientale revinrent assez vite, et pour ainsi dire malgré les nouveaux gouvernemens, au principe libéral conservateur. Ce groupe put ainsi prêter aux autorités fédérales un appui qui leur était devenu nécessaire vis-à-vis de l’étranger. Il fut secondé par les cantons primitifs d’Ury, de Schwytz et d’Unterwalden. Quoique froissés par tout ce qui venait de se passer, ceux-ci étaient rentrés promptement dans leur vie laborieuse et régulière. Le Valais suivit l’exemple de ces cantons, soutenu par un gouvernement qui eut le bon sens