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M. de Schwarzenberg comprit immédiatement la gravité de sa tâche. Esprit élégant et mondain, tout entier jusque-là aux devoirs spéciaux de ses fonctions et aux plaisirs d’une existence princière, il comprit qu’une vie nouvelle allait commencer pour ceux qui aspiraient à se rendre utiles. Les journaux et les pamphlets de la démocratie ont prétendu que M. de Schwarzenberg était, après les événemens de mars, le centre d’une réaction absolutiste ; il était simplement l’aile d’un parti sérieux qui voulait connaître les devoirs et les intérêts nouveaux, et qui espérait bien un jour, après cette préparation féconde, arracher la liberté constitutionnelle à la dictature des factieux. Son jour n’était pas venu, il attendait. C’est seulement après le 31 octobre que le rôle de M. de Schwarzenberg devenait possible. Désigné au choix de l’empereur par la vigueur de son attitude et ses facultés brillantes, il accepta la tâche dont il mesurait toutes les difficultés. Le programme de M. de Schwarzenberg, lu à l’assemblée de Kremsier dans la séance du 27 novembre, peut être considéré comme l’installation définitive de la monarchie constitutionnelle en Autriche. « Messieurs, disait le ministre aux députés de la diète, lorsque la confiance de l’empereur nous a appelés au conseil de la couronne, nous n’ignorions pas les difficultés de notre mission, nous savions combien était grande notre responsabilité et vis-à-vis du trône et vis-à-vis du peuple. Nous avons à guérir les blessures du passé, à terminer les embarras du présent, à édifier dans un prochain avenir un nouvel ordre de choses. La conscience de notre loyale ardeur pour le salut de l’état, le bien du peuple et la liberté, l’assurance que votre concours ne nous manquera pas dans cette grande entreprise, nous ont décidés à mettre de côté toute considération personnelle, pour n’obéir qu’à notre patriotisme et à l’appel du monarque… Nous voulons la monarchie constitutionnelle loyalement et sans réserve. Nous voulons cette forme sociale dont l’essence et la base sont la puissance législative exercée en commun par le souverain et les corps représentans de e l’Autriche. Nous voulons que ce gouvernement soit fondé sur l’égalité de droits et le libre développement de toutes les nationalités comme sur l’égalité de tous les citoyens devant la loi ; nous le voulons garanti par la publicité dans toutes les branches de la vie sociale, nous le voulons appuyé sur la libre commune, sur la libre organisation des provinces dans toutes les affaires intérieures, et resserré par le lien commun d’une puissante centralisation. » Il était impossible d’indiquer avec une décision plus nette le but où marchait le ministère, et les applaudissemens de la majorité, accueillirent chacune de ces paroles. C’est dans ce même manifeste que M. de Schwarzenberg, jetant un défi aux constituans de Francfort et à la politique cauteleuse de la Prusse, maintenait avec vigueur l’intégrité de l’empire. On reconnaissait déjà l’homme résolu qui allait