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annuelles était en effet de doubler au moins pour lui les dépenses qu’entraînait chacune d’elles. Ce surcroît de dépenses doit être évalué à 1 million pour la durée du règne. Louis-Philippe trouvait ainsi l’occasion d’assister en quelque sorte à la naissance et au progrès de tous les talens. Il accomplissait cette paternelle mission avec une constance religieuse et parfaitement impartiale. Là point de recommandations, point de préférences politiques, point de considérations étrangères à l’art : l’œuvre seule parlait pour l’artiste. Chaque jour, à la même heure, le roi venait reprendre, le crayon en main, la revue commencée la veille ; chaque fois qu’une œuvre d’art lui paraissait sortir de la ligne commune soit par l’exécution, soit même par la nature du sujet, il l’inscrivait sur un livret disposé à cet effet. Cette étude, qui embrassait chaque année plus de 3,500 objets d’art, poursuivie jusqu’à son terme avec une infatigable persévérance, était remise plus tard au directeur des musées pour avoir ses observations et servir de base aux propositions définitives qui devaient être soumises au roi par l’intendant-général de la liste civile.

Dans une de ces revues annuelles, le roi avait remarqué une aquarelle signée d’un nom inconnu, et qui représentait un engagement de quelques soldats français avec les Arabes. L’exécution était élégante et facile ; la scène était rendue avec tant de vérité, que l’auteur avait dû la voir de près. L’oeuvre plut au roi. Cette idée d’un peintre mêlé au combat qu’il reproduit alla droit à son cœur ; il inscrivit l’aquarelle sur son carnet. Le roi ne s’était pas trompé : c’était bien l’œuvre d’un des plus braves officiers de l’armée ; cet officier, c’était l’un de ses fils, le duc de Nemours, soldat de la glorieuse campagne de Constantine, devenu le peintre de l’un de ses brillans épisodes. Le père ému plaça l’œuvre anonyme dans le cabinet où il passait les premières heures de la journée ; les mains sacrilèges du 24 février ont profané et détruit ce touchant souvenir des visites de Louis-Philippe au musée du Louvre.

Cependant les conséquences du travail personnel du roi ne se bornaient pas aux acquisitions de tableaux, de sculptures et de dessins ordonnées par lui à la suite des expositions. Ce travail servait encore de base à une série de propositions ou de mesures qui avaient toutes pour objet d’honorer l’art ou de l’encourager. C’est ainsi qu’à la suite du rapport annuel du directeur des musées sur l’exposition du Louvre, le roi autorisait l’intendant-général de la liste civile à désigner plusieurs artistes pour la croix de la Légion-d’Honneur, à décerner des médailles d’or aux auteurs des meilleurs ouvrages, à donner des subventions aux plus malheureux. En outre, le roi lui-même faisait un grand nombre de commandes aux maîtres de l’art et à leurs plus brillans élèves. Plus de mille médailles d’or accordées et une dépense de