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Tuileries, la réunion des premiers talens de l’époque ; tantôt l’Opéra, les Italiens, l’Opéra-Comique, venaient reprendre devant le roi les œuvres contemporaines de sa jeunesse. À certains jours réservés pour la vie intérieure, le mardi surtout, M. Auber faisait exécuter de petits concerts dont le programme était arrêté par Madame Adélaïde ; l’auditoire se composait uniquement de la famille royale. Ces jours-là, le directeur de la musique entourait les instrumentistes les plus habiles de vingt-quatre jeunes élèves du Conservatoire choisis parmi les plus distingués. Ces soirées avaient pour le roi le grand charme d’une liberté si constamment refusée à ses goûts : elles ont laissé de précieux souvenirs dans l’esprit des artistes témoins d’une vie intime si simple et si noble[1]. Louis-Philippe consacrait chaque année aux musiciens de ses petits concerts et aux élèves de chant du Conservatoire convoqués par M. Auber une allocation qui a dépassé 100,000 fr. en 1847.

Mais hâtons-nous de suivre le roi sur un autre terrain. Que n’a-t-on pas dit sur ses empiétemens intéressés à l’égard du trésor ! Eh bien ! la vérité est que plus d’une fois Louis-Philippe est venu en aide à l’état en payant sur sa cassette certaines dépenses non prévues par les chambres, ou qui n’étaient pas couvertes par des crédits suffisans. Ses sacrifices volontaires en ce genre remontent jusqu’aux premiers jours de 1830. On se rappelle que le 29 août, à l’issue d’une revue solennelle, le roi avait distribué lui-même les drapeaux de la garde nationale aux légions de Paris et de la banlieue. Bientôt après des députations de gardes nationales affluèrent au Palais-Royal de tous les points de la France, et vinrent aussi recevoir leurs drapeaux des mains du nouveau roi. Les demandes en paiement adressées au général Lafayette ne se firent pas non plus attendre ; mais aucun crédit n’était ouvert pour y faire face. Un des premiers jours de septembre 1830, le général se rendit au Palais-Royal pour solliciter du gouvernement les moyens de payer cette dépense. Le conseil était réuni ; le général Lafayette se contenta de faire passer une note au roi, expliquant l’objet de sa visite : il demandait une solution. Cette note était écrite de la main de l’aide-de-camp de service sur un papier portant en marge ces mots imprimés : maison militaire du roi. La note revint bientôt, mais avec deux décisions pour une. La marque imprimée était biffée et remplacée par ces mots : « Je ne veux pas et je n’aurai pas de maison militaire, » et plus loin : « Je me charge de payer les drapeaux. » Tracés d’un seul trait de plume, ces derniers mots équivalaient à une obligation de 600,000 francs souscrite par le roi personnellement, à la décharge du trésor public.

  1. M. Plantade, secrétaire de la musique du roi, a écrit jour par jour les procès-verbaux des grandes fêtes musicales et des petits concerts exécutés depuis 1840 sous la direction de M. Auber.