Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/551

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

six assassinats dirigés contre sa personne, de sa chute au 24 février, de sa mort sur la terre étrangère, l’ame demeure muette sous les décrets impénétrables de la Providence, et l’esprit n’a plus qu’un doute cruel sur les conditions nécessaires du gouvernement des sociétés humaines ! La générosité de Louis-Philippe fut sans doute excessive. Que d’autres osent blâmer ce noble cœur, que d’autres imputent à cette générosité téméraire l’ébranlement de la société et la chute de la monarchie ! je repousse ce blasphème au nom du roi que j’ai servi, et, pour compléter à la fois son portrait et sa défense, je m’écrie avec Bossuet :

« Il était juste, modéré, magnanime, très instruit de ses affaires et des moyens de régner ; jamais prince ne fut plus capable de rendre la royauté non-seulement vénérable et sainte, mais encore aimable et chère à ses peuples. Que lui peut-on reprocher, sinon la clémence ? Je veux bien avouer de lui ce qu’un auteur célèbre a dit de César, qu’il a été clément jusqu’à être obligé de s’en repentir : Coesari proprium et peculiare sit clementiœ insigne, quâ usque ad poenitentiam omnes superavit[1]. Que ce soit donc là, si l’on veut, l’illustre défaut de ce prince aussi bien que de César ; mais que ceux qui veulent croire que tout est faible dans les malheureux et dans les vaincus ne pensent pas, pour cela, nous persuader que la force ait manqué à son courage, ni la vigueur à ses conseils. »


MONTALIVET.

  1. Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, livre VII, chap. XXVI.