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outrées de l’esprit qui remuait les peuples. » Nous citons avec plaisir ces remarquables paroles, comme nous citions, il y a quinze jours, celles du roi Léopold. C’est quelque chose d’instructif et de solennel de voir ces deux pays, séparés l’un de l’autre par un mouvement révolutionnaire, rivaliser maintenant de sagesse et de fermeté pacifique, suivre en même temps une même conduite et y trouver chacun pour sa part une sécurité sans exemple au milieu de l’Europe ébranlée.

Aussi le gouvernement néerlandais a-t-il grand soin de se tenir de son mieux à l’écart des questions dangereuses qui se débattent sur sa frontière d’Allemagne. Le ministre des affaires étrangères, interpellé sur l’état des relations du Limbourg avec le corps germanique, a longuement démontré qu’il n’avait là d’autre politique que de s’en tenir à la lettre des traités existans, et de rester toujours par conséquent en dehors des événemens d’outre-Rhin, tant qu’ils n’avaient pas de solution. Les questions intérieures sont les seules qui aient de la gravité pour la Hollande, et parmi celles-là il en est deux surtout qui sont depuis long-temps chargées de véritables difficultés permanentes, la question financière et la question coloniale.

Ces deux questions se présentent à l’entrée de cette session sous de meilleurs auspices. Le ministre des finances, en apportant son projet de budget aux chambres, a constaté que la perspective du trésor s’était sensiblement améliorée. L’année dernière il avait fallu reconnaître un déficit de 9 millions, causé par les diminutions que l’année 1848 avait amenées dans la vente des denrées coloniales ; ce déficit a été réduit à un million seulement au commencement de l’année 1850, et l’on peut espérer qu’il aura bientôt tout-à-fait disparu sous l’influence combinée d’un système d’économie encore plus sévère, d’une vente plus avantageuse des denrées coloniales, enfin d’un accroissement naturel dans les recettes. Cet accroissement s’est déjà fait sentir ; les neuf mois du service courant ont dépassé tout à la fois et les résultats obtenus durant la même période de l’année dernière et les évaluations portées d’avance au budget de celle-ci. Il parait même, d’après la statistique officielle du mouvement commercial de 1849, qu’on vient de publier, que l’année 1849 aurait, à son tour, produit plus qu’aucune des trois précédentes, quant à la valeur totale des importations, des exportations et du transit.

Les affaires des colonies vont, d’autre part, recevoir une impulsion nouvelle ; le gouvernement a donné aux Indes néerlandaises un nouveau gouverneur et un nouveau vice-président. C’est M. Bruce, dernièrement commissaire du roi dans l’Over-Yssel, qui a remplacé M. Rochussen comme gouverneur-général, et c’est M. Van Nes, ancien fonctionnaire supérieur dans les colonies, qui a reçu la vice-présidence du conseil des Indes, dont le siége est à Batavia. Tous deux sont des jurisconsultes et des hommes d’affaires. M. Bruce a siégé, depuis 1839 jusqu’en 1847, à la seconde chambre des états ; il y comptait parmi les libéraux modérés ; tout en demandant des réformes, il ne les voulait que progressives, dans les finances d’abord, puis dans l’état politique. C’est lui qui, dans la session de 1844 à 1845, décida la chambre à voter l’emprunt que demandait M. Van Hall. M. Van Nes a, depuis 1823, occupé plusieurs places considérables dans la magistrature et l’administration des Indes. Il a pris une part active à la pacification de Java, et il a ensuite contribué avec un succès extraordinaire