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que nous avons toujours blâmée, l’amiral Leprédour a maintenant, assure-t-on, obtenu du général Rosas les principaux changemens auxquels l’assemblée législative subordonnait la ratification du traité. C’est la meilleure preuve des dispositions conciliantes avec lesquelles on a négocié de part et d’autre. La France n’aurait donc plus désormais de raison pour éloigner une transaction honorable qui répond à toutes les susceptibilités comme à tous les intérêts.

L’opinion s’est au reste sensiblement transformée dans ces derniers temps elle s’est dégagée des ambiguïtés avec lesquelles on avait pris à tâche de l’obscurcir et de la passionner ; on a commencé à comprendre que l’affaire la plus pressante de la France à la Plata, c’était l’affaire de son commerce. Il était en effet bien singulier que ce fût la France qui s’opposât la dernière à la pacification des deux rives argentines, quand il n’est point de pays en Europe qui trouve sur ces bords de si nombreux élémens d’échange et de si larges débouchés pour ses produits. Laissons de côté la question un peu trop spéculative des procédés plus ou moins parlementaires employés par le général Rosas pour le gouvernement de son propre pays : c’est bien assez que nos compatriotes de Montevideo aient pris si chaudement parti dans une querelle intestine où ils ont trop attiré derrière eux la France, qui n’y avait rien à voir. Si nous consultons des documens à coup sûr plus intéressans et plus significatifs que des colères d’émigrés, si nous parcourons les relevés officiels de nos transactions mercantiles avec Buenos-Ayres, nous serons frappés de la rapidité avec laquelle elles se sont accrues dans ces dernières années, malgré les maux de l’intervention. Ces mêmes difficultés n’ont pas empêché la population basque de grossir chaque jour à Buenos-Ayres. Une preuve authentique de ce développement est consignée dans une récente délibération du conseil-général des Basses-Pyrénées. Le mouvement d’émigration pour Buenos-Ayres, qui, du 20 août 1848 au 20 août 1849, était tombé à trois cent soixante-dix-sept individus s’est relevé de 1849 à 1850 au chiffre de neuf cent soixante-neuf, d’où le rapporteur conclut avec raison que les émigrans ont trouvé plus de chances de succès et de sécurité à Buenos-Ayres qu’à Montevideo.

Du reste, le général Rosas semble de plus en plus protester par ses actes contre la pensée qu’on lui attribuait d’avoir voulu supprimer toutes relations commerciales et politiques entre l’Amérique et l’Europe. Il sait que l’américanisme exclusif serait sa ruine et celle de son pays. Il ouvre la Plata au commerce européen avec une libéralité dont il faut lui tenir compte, parce que les chiffres officiels viennent encore prouver qu’on en profite. Les tarifs de douanes sont extrêmement modérés, et les négocians ont un délai de six mois pour acquitter les droits auxquels leurs marchandises sont taxées. Aussi les entrées des navires étrangers qui, en 1824, époque la plus favorable de l’administration unitaire, étaient seulement de trois cent soixante-neuf, se sont, en 1849, accrues jusqu’au nombre de huit cent un, et, pour prendre des dates encore plus récentes, dans une seule semaine de février 1850, il arrivait à Buenos-Ayres onze cent soixante émigrans européens, et il y entrait une valeur de 200 000 fr. on quadruples espagnols, preuve bien notable de la richesse d’un pays où, malgré d’immenses importations, les transactions commerciales se liquident