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anglais. Le duc de Portland, un peu par amour-propre d’auteur, mais surtout pour le bon exemple, a voulu conserver un échantillon de l’ancien état du terrain. À côté d’une prairie unie ou d’un champ couvert d’épis dont aucun ne dépasse l’autre, quelques acres de terre inculte montrent ce qu’est la nature avant le travail et ce qu’elle devient après cette seconde création. On craignait, il y a quelques années, de s’approcher de ces landes couvertes de joncs et noyées d’eaux sans écoulement. Aujourd’hui, l’homme et le noble animal qui l’aide dans ses travaux y trouvent nourriture et santé. Des ruisseaux d’une eau limpide ont remplacé les flaques d’eau marécageuse. Les fermes riantes qu’on a bâties sur les parties élevées suffisent à peine pour recevoir les produits d’un sol qu’épuisaient autrefois quelques bruyères mêlées à des joncs de marais.

C’est à cette transformation merveilleuse que le duc de Portland a employé la plus grande partie d’une immense fortune. Les revenus de la terre retournent incessamment à la terre, car c’est peu que de créer la prospérité et l’abondance, il les faut entretenir. La vie du noble duc y est entièrement consacrée. Il a des agens capables et zélés, mais l’œil du maître est partout. Ce vieillard, plus riche que bien des princes souverains, parcourt ses champs toute l’année et assiste au labourage, aux semailles et à la moisson. Le poids des années ne lui permettant plus la marche, une modeste voiture le conduit à travers la campagne. Nous le rencontrâmes le jour de notre excursion à Welbeck. Ce qu’on appelle le cabriolet est par derrière, de sorte que le duc tourne le dos à ses chevaux et se fait voiturer à reculons. Il en voit sans doute mieux ce qui est loin et ce qui est près, à moins que ce ne soit quelque excentricité britannique.

Je ne m’étonne pas que le possesseur d’une fortune si bienfaisante soit populaire dans le pays. Les richesses que produit l’agriculture sont de celles qui excitent le moins d’envie. Elles ne sentent pas la chance comme les fortunes industrielles ; elles ne donnent pas à l’agriculteur enrichi l’air d’un parvenu ; elles se gagnent sous l’œil du public, et elles semblent faire aux autres un don gratuit de leurs exemples. Dans tout le pays, on parle avec vénération du duc de Portland. Le nom de son fils, lord Bentinck, n’y est pas moins respecté. Les anciennes lois sur les céréales n’ont pas eu de champion plus habile que ce lord, devenu tout à coup d’homme de plaisir un homme d’affaires supérieur et qui est mort prématurément, après avoir donné fort à faire à sir Robert Peel. La reconnaissance de ses concitoyens lui a élevé, sur la principale place de Mansfield, un monument modeste et d’autant plus sûr de durer, comme celui d’Othon, modicum et mansurutm.

Il était tout simple que le duc de Portland et son fils fussent opposés à la réforme de sir Robert Peel. À moins d’être des anges, comment