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et le pilote, c’est tout un. Et s’adressant à Albino : — Seigneur capitaine, reprit-il, si vous m’en croyez, vous allez monter à cheval tout de suite, vous pousserez jusqu’au Saltillo, et vous trouverez quelqu’un qui puisse vous lire le billet que contenait le bâton de l’Indien ; mais ne vous fiez pas au premier venu, puis vous agirez selon ce que vous aura révélé ce papier.

L’ancien contrebandier n’avait pas l’habitude de discuter les avis de l’étrange vieillard. Il ordonna de seller son cheval ; mais, au moment de se mettre en marche, une vedette vint l’avertir qu’un riche convoi de marchandises et d’argent s’approchait de nos avant-postes. Cette nouvelle nous fit tout oublier, et huit jours seulement après cette rencontre, Albino alla s’enquérir au Saltillo du contenu de la lettre interceptée. Il revint à nous, certain que depuis cinq jours déjà nos chefs étaient partis pour Monclova. — OEil-Double ne s’est pas trompé. nous dit-il ; la dépêche du lieutenant-colonel Elizondo m’a été lue par un prêtre ami d’Hidalgo, à qui j’ai tout révélé au confessionnal ; elle contenait ceci : « Toutes mes mesures sont prises ; je rejoindrai en deux jours vos deux cents hommes aux citernes de Bajan ; pas un des chefs de l’insurrection n’échappera. »

— Ah ! interrompit le métis, pourquoi n’avons-nous pas fusillé ce traître ? car c’est lui, n’est-ce pas ? et Bajan est tout près de Monclova ?

— Le prêtre m’a dit que déjà des avis étaient parvenus au général Abasolo sur la trahison que méditait contre lui Elizondo, outré de n’avoir pas été nommé lieutenant-général ; mais, avec sa grandeur d’ame accoutumée, Abasolo a refusé de croire à cette lâcheté. La lettre était adressée au gouverneur Ochoa, dont la maison de campagne est près d’ici. Cela m’explique la présence du colonel, inquiet de n’avoir pas reçu de réponse à son message.

— Que faire ? demandai-je à OEil-Double.

— Elizondo a déjà cinq jours d’avance sur nous à l’heure qu’il est, et il voyage à franc étrier ; mon avis est que nous partions sans tarder ; peut-être sera-t-il temps encore de prévenir les chefs fugitifs. Combien d’hommes ont-ils pour escorte ?

— Mille à peu près, répondit Albino.

— Partons alors, m’écriai-je ; en donnant l’éveil à cette escorte, deux cents hommes ne seront pas à craindre.


IV

Plusieurs motifs que nous avions pesés dans un rapide conseil nous firent prendre la résolution de partir seuls, Albino, OEil-Double et moi. Traîner avec nous notre guerrilla, c’eût été nous exposer à mille lenteurs fatales et désastreuses ; le pays que nous avions à traverser