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durcir au soleil. Tout près de la noria un monticule sablonneux entamé par la pioche attestait que les déblais qu’on en avait arrachés avaient servi à étancher le peu d’eau que les seaux n’avaient pu répandre au dehors. Quand le vieillard eut à loisir considéré les empreintes laissées par les pieds du cheval, il tira de sa poche les petites branches qui lui avaient servi à les mesurer près de notre foyer quand l’officier s’y était présenté. La dimension des branches et celles des sabots du cheval s’accordaient rigoureusement.

— Elizondo ! Elizondo ! dit lentement OEil-Double en nous faisant remarquer les preuves irrécusables de la présence du traître. Nous ne pouvions nous refuser à l’évidence.

— Il était ici à cheval pour surveiller les travailleurs, continua le métis ; toutes ces empreintes sont les mêmes et sont les siennes. Voilà une noria desséchée jusqu’à la saison des pluies prochaines.

— Les voix de tous ceux qui auront soif dans le désert s’élèveront contre lui, dit Albino.

— La voix du sang criera plus haut encore, ajouta solennellement OEil-Double.

Nous reprîmes notre route ; mais il devint nécessaire, quand nous eûmes gagné Anelo, la seconde étape du Saltillo à Monclova, de laisser reposer nos chevaux fatigués d’une marche rapide. Nous étions obligés de perdre du temps pour les ménager dans l’intérêt même de ceux que nous voulions servir. Nous trouvâmes les habitans d’Arielo dans la consternation. La citerne desséchée était leur réservoir jusqu’à la saison prochaine ; les autres citernes dont ils buvaient l’eau étaient à la veille d’être épuisées, et cet accident devait bientôt rendre le séjour d’Anelo impossible. Nous eûmes toutes les peines du monde à y trouver de quoi désaltérer nos six chevaux.

Nous interrogeâmes un des habitans, qui nous répondit que ce crime, — c’en était un de toutes les façons, — avait dû être commis pendant la nuit, car on n’avait vu personne s’approcher de jour de la noria. — Cet événement a causé un grand trouble dans l’escorte qui accompagnait les voitures des généraux, ajouta l’homme qui nous donnait ces renseignemens. Toute la troupe s’est débandée, sourde à la voix des officiers, et les généraux ont dû attendre ici tout un jour que leurs hommes les y eussent rejoints. Heureusement que nous sommes tous ici dévoués à la sainte cause qu’ils ont soutenue. Pour eux, rien ne leur a manqué ; mais on frémit de penser à ce qui aurait pu arriver, s’il y avait eu près de là quelque détachement espagnol.

Ce raisonnement nous confirma dans l’idée que le coup monté par Elizondo ne devait s’accomplir que plus tard, quand les désertions causées par la soif auraient diminué le nombre de l’escorte jusqu’à le rendre égal à celui des hommes que commandait le colonel. Par quelle