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seul appartient de sonder les reins et les cœurs l’histoire ne consiste pas dans les mystères des intentions, elle est écrite dans les actes. L’acte du président, car de pareils discours sont plus que des paroles, l’acte a été noble et noblement accompli. Ce n’est pas tout. Pour se placer avec cette froide et ferme raison au-dessus d’une situation plus embarrassante peut-être que pas une, pour la dominer de haut avec une tenue si parfaite, il faut une puissance de caractère qui est une qualité de gouvernement, et ce pays, qui, tout en se rendant ingouvernable, ne demande jamais qu’à être trop gouverné, se sent vite porté vers quiconque ne barguigne pas en lui parlant. Nous n’avons point, on le sait, la moindre tendresse pour la théorie des hommes nécessaires : ceux-là seuls sont nécessaires qui le deviennent sans le savoir, et dicter d’avance à quelqu’un la théorie du métier, c’est faire une poétique en pensant faire un poète ; or le vrai poète vient toujours avant la poétique. Et puis, grace au ciel, il ne passe pas beaucoup d’hommes nécessaires dans le monde, on pourrait même dire qu’il lui en faut le moins possible, parce qu’ils coûtent cher ; mais il a toujours besoin d’hommes utiles, et cette utilité toute pure n’est pas encore un si petit honneur. On n’est point capable d’être utile, si l’on n’a bien du sérieux et de la suite dans ses volontés. M. le président de la république avait beaucoup à prouver de ce côté-là au début de son administration ; il serait difficile de méconnaître qu’il a maintenant fait ses preuves et mérité par sa propre consistance le droit qu’il ne tenait d’abord que du miracle d’un scrutin, le droit à la fois glorieux et modeste de servir la France au poste que la loi lui confie. Il est des esprits qui se tourmentent et se faussent dans l’inaction, mais qui se corrigent, qui s’ouvrent, qui s’éclaircissent, dès qu’ils ont du champ devant eux. C’est ainsi que l’exercice du pouvoir aura été plus sain à l’ame du président que les loisirs forcés de sa jeunesse. Comme on est très gai jusque dans ce gâchis où nous sommes, et que nos désarrois même sont pour les plaisans un inépuisable sujet de mystifications, on a trouvé l’heureuse idée d’un message de Ham. Cette malice n’était pourtant ni plus ni moins qu’un argument sans réplique qui démontrait le vigoureux empire avec lequel l’auteur du message de l’Elysée s’est réformé lui-même au contact des événemens. Toutes les intelligences ne sont pas trempées pour un pareil triomphe. Nous avons vu et trop vu les prisonniers politiques au pouvoir : combien en est-il que le pouvoir ait grandis ?

Le président a donc gagné, et c’est en cela, disions-nous, que la situation est meilleure, mais en cela seulement. Encore une de ces contradictions dont nous parlions plus haut ! En effet, la sagesse du président a été de se renfermer à propos dans la constitution de 1848, et de déclarer en très bons termes, pour mettre fin à toutes les suspicions, à tous les conflits, que ni lui ni personne ne sortirait de là, sinon par la belle porte. Et cependant, étrange retour des œuvres révolutionnaires ! d’où viennent ces conflits, ces suspicions, tous ces orages à huis-clos ou en plein air, si désastreux pour la paix publique ? Viennent-ils d’autre part que de la constitution elle-même, qui semble avoir méchamment organisé l’antagonisme au lieu de la concorde ? Ce qui n’empêche pas, et arrangez cela, que la sagesse, que la vertu soit pour le quart d’heure de faire face aux difficultés engendrées à plaisir par la constitution, en adoptant comme une égide cette constitution traîtresse, en s’abritant, pour diminuer