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se fatigue, et le goût leur revient peu à peu de cette fatigue bienfaisante qui chasse de leur tête les fantômes dont la peuplaient les délires de l’oisiveté. Ils travaillent de meilleur cœur au sortir de ces intermèdes orageux que leur font les révolutions. Ce n’est pas à coup sûr le prodige phalanstérien du travail attrayant : c’est l’effet d’une loi plus vieille et plus haute qui attache éternellement à l’assiduité dans le devoir la plus prompte des récompenses, la satisfaction de soi-même, récompense encore plus chère quand on la recouvre après l’avoir perdue par sa faute.

Rien ne seconda mieux la restauration consulaire que cet appétit de travail qui s’empara des classes laborieuses après les épouvantes et les orgies de la convention et du directoire. Ce fut l’honneur de Bonaparte, premier consul, d’avoir discerné qu’il y avait là un élément considérable pour un ordre plus moral et plus régulier, d’avoir donné carrière à cette activité réparatrice. Il n’y a qu’à jeter les yeux autour de soi pour découvrir aujourd’hui des dispositions toutes pareilles dans les masses serrées de la population ouvrière, et le gouvernement ne saurait, sans manquer à sa tâche la plus sacrée, différer beaucoup de répondre par ses soins à cet appel du peuple. Il ne s’agit pas ici de refaire la fortune impériale au profit d’un individu ; il s’agit de reconstituer une force qui serve et sauve le pays entier. Le message l’a dit avec une éloquence supérieure à toutes les chicanes comme à tous les dénigremens : « Le but le plus noble et le plus digne d’une ame élevée, ce n’est point de rechercher, quand on est au pouvoir, par quels expédiens on s’y perpétuera, mais de veiller sans cesse aux moyens de consolider, à l’avantage de tous, les principes d’autorité et de morale qui défient les passions des hommes et l’instabilité des lois. » Où donc prendre plus de solidité pour l’édifice qu’en l’appuyant à sa base sur la discipline volontaire d’une nation occupée, d’une nation reconnaissante envers le gouvernement qui aurait favorisé son labeur ? Quel gouvernement plus réellement fondateur que celui qui saurait protéger ce réveil fécond des intérêts positifs, qui se déclarerait le chef du travail, non point pour l’ordonner à la façon des sectaires, mais pour l’aider et lui préparer les voies dans sa liberté ? On cherche de la force : elle est toute prête à se donner ; mais encore faut-il mériter qu’elle vous vienne. N’est-ce point une force sérieuse que cette constance avec laquelle on a vu les ateliers demeurer appliqués et indifférens au milieu des émotions désolantes qui ont troublé depuis quelque temps les régions supérieures de la politique ? Qu’est-ce à dire ? Les ateliers pourtant n’on pas encore abjuré toutes les erreurs de 1848, et ce n’est pas, en vérité, la manière d’achever leur conversion, que de répandre jusqu’en bas les tristes rumeurs des dissensions et des petitesses d’en haut. Les ateliers croient encore peut-être en principe aux faux dieux ; ils ne les servent plus en fait. L’ouvrage donne, et ils vont à l’ouvrage, et ils s’y tiennent, même quand le bruit court qu’on va faire dans les salons les révolutions qu’ils ont renoncé à faire dans la rue ; ils s’y tiennent en maudissant les révolutionnaires à gants jaunes, ce qui ne redouble pas leurs sympathies pour les aristocrates. Que serait-ce pourtant si, au lieu d’irriter, par le spectacle de cette mauvaise attitude, des humeurs qui s’apaisaient insensiblement dans le travail, on les adoucissait encore en aidant à leur retour ? si, lorsque l’ouvrage donne, on lui donnait aussi le bon appui et le bon exemple ?