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quoiqu’on tienne à se flatter encore qu’on pourra l’arrêter. Le roi de Wurtemberg, poussant à bout sa politique anti-prussienne, dissout son parlement pour être plus libre de faire au besoin la campagne à côté du jeune empereur dont il s’est proclamé le soldat. D’un autre côté, le roi de Hanovre, plus embarrassé de son voisinage que le roi de Wurtemberg de ses propres sujets, trompe toutes les conjectures par un nouveau revirement. M. Stuve a bien enfin déposé son portefeuille ; mais sa retraite n’a été une victoire ni pour l’Autriche ni pour M. Detmold. Il est remplacé par M. de Munchhausen, qui a reçu ou affiché pour mot d’ordre de ne rien changer aux directions de son prédécesseur, et le Hanovre a décidément refusé de s’associer aux mesures exécutoires de la diète contre les Hessois. Serait-ce que le vieux monarque consulte ici ses goûts personnels pour la Prusse plutôt que ses tendances politiques vers l’Autriche ? ou bien ne serait-ce pas que le Hanovre est un peu, selon le mot d’un diplomate, comme un enfant mort dans le ventre de la Prusse, et qu’il ne peut guère bouger dans tout ce conflit ?

À qui maintenant le conflit pourrait-il profiter ? L’Autriche ne doit point l’oublier, c’est la pensée qu’elle doit avoir le plus présente, si elle en est une fois à dicter ses conditions définitives ; c’est la pensée qui l’empêchera de les rendre inacceptables : il n’y a que les démagogues et les Russes qui aient à gagner au désespoir où l’on réduirait les Prussiens. Les camps de la landwehr et le parlement qui va bientôt siéger à Berlin seraient tout de suite une arène ouverte aux fauteurs de désordres, si la Prusse était trop manifestement mise en péril de son honneur ou de son existence. Si l’Autriche, de son côté, ne voulait pas laisser libre carrière chez elle aux mêmes passions, elle serait bien obligée de souffrir encore garnison russe en Hongrie, en Gallicie, peut-être à Vienne. Où serait alors le bénéfice de la victoire, fût-on entré soi-même à Berlin ?

L’Espagne était plus heureuse que la Germanie au temps même de ses guerres civiles ; elle se consumait dans son propre sein, et elle n’avait que des voisins intéressés à l’aider : elle n’en avait point qui épiassent sa faiblesse pour en recueillir l’avantage. On revient toujours volontiers au noble spectacle que présentent maintenant, au lieu de sa faiblesse, sa force et sa prospérité. La reine a ouvert, le 30 octobre, la session des cortès, et le discours du trône expose avec une simplicité plus éloquente que ne seraient de grandes phrases les résultats accomplis ou préparés par son gouvernement, Nous en avons déjà mentionné quelques-uns ; la nomenclature complète de ces différentes mesures est un honorable bilan de l’administration qui les a proposées ou exécutées. Des décrets sur la comptabilité financière destinés à bannir la concussion et le péculat, ces deux vices mortels de l’ancienne bureaucratie espagnole ; des ordonnances qui simplifient les rouages des conseils provinciaux ; des règlemens pour l’amélioration des routes, la création d’écoles de tout genre, la publicité mensuelle donnée aux recettes et aux dépenses de l’état, la substitution d’un nouvel ordre judiciaire aux vieux tribunaux trop décriés, la promulgation d’un code civil et d’un code de procédure criminelle, telles sont les réformes qui sont déjà ou vont être introduites en Espagne, toutes réformes pratiques, positives et sensées, qui élèvent le pays et ne le bouleversent pas, qui lui donnent le niveau, de la civilisation européenne et ne lui ôtent pas son caractère national.