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et mendier tout haut à son tour l’argent et l’appui de l’étranger. On la verrait guider volontiers dans nos rues une armée non de Cosaques, mais d’ouvriers allemands, et agiter aux fenêtres le drapeau rouge.

L’interprétation démagogique est condamnée d’ailleurs à ne pas s’arrêter : la logique absolue est de son essence il faut qu’elle aille, et toujours, et jusqu’au fond, ou qu’elle cesse d’être. Pour elle, révolution ne veut pas dire liberté, mais nivellement. Aussi soutient-elle, et avec raison, suivant son point de vue, que la révolution française est lâchement trahie toutes les fois qu’elle ne vient pas aboutir aux conséquences les plus extrêmes. Injuste envers le système libéral, lorsqu’elle lui adresse le reproche d’inconséquence, comme si le système libéral n’avait pas pour caractère éminent de poursuivre non un principe unique, mais la conciliation de plusieurs principes, elle n’est que fidèle à elle-même quand elle ne veut se contenter ni du suffrage universel, ni d’une assemblée unique, ni d’un pouvoir exécutif à courte échéance. Pour qu’elle se trouve un peu satisfaite, ses publicistes les plus autorisés sont là pour le dire, il lui faut le peuple incessamment assemblé, nommant et révoquant tous les fonctionnaires de tous les ordres, élisant ses députés et pouvant les destituer comme de simples commis, chaque jour et à chaque heure ; il lui faut, en un mot, le peuple décidant tout par lui-même. Jusque-là on peut bien être, à ses yeux, sur la pente de la démocratie absolue, mais il est faux que celle-ci règne ; la révolution française n’est qu’en voie de succès, elle n’est pas finie.

La solution contre-révolutionnaire a fait long-temps la morte. On dirait qu’elle se réveille. Est-ce la vie qui, chez elle, tressaille encore au contact des excès récens de la révolution, ou n’est-ce qu’une sorte de galvanisme machinal qui lui donne une secousse factice ? Doctrine imposante autrefois, quand elle avait Dieu pour source, Bossuet pour interprète et De Maistre pour défenseur héroïque, comment se présente-t-elle aujourd’hui ? Historiquement elle a peu réussi. Napoléon a fait deux choses à l’égard de la révolution française : au point de vue social, il l’a maintenue et organisée ; politiquement, il l’a combattue. Personne n’a fait davantage pour l’égalité civile ; personne n’a plus fait contre la liberté ; nécessité ou non, cela ne lui a pas porté bonheur. Sans abuser de l’aveu que lui arrachait l’exil, quand il proclamait que les idées libérales avaient plus contribué à sa chute que les armées coalisées, il est certain qu’elles en furent, au moment le plus décisif, une des causes déterminantes. C’est encore, il faut bien le reconnaître, la même solution anti-libérale qui a fait prendre à la restauration le chemin de l’exil.

Agiter la question de la révolution française, c’est, on le voit, et on