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personnel, et, sinon une absolue sérénité, au moins cette sévérité raisonnée qui est bien souvent la justice. Mettre en bas ce qui était en haut, placer à l’occident ce qui paraissait à l’orient, c’est imiter le procédé des écrivains révolutionnaires. Or, est-ce dans le sens que nous indiquons qu’a été comprise la tâche qui se proposait à la réflexion ? Les récens travaux sur la révolution française répondent-ils aux nouveaux besoins, aux nouveaux scrupules de la pensée publique ? En serions-nous réduits à d’infructueuses redites et à de stériles compilations ?

Parmi les nouveaux historiens de la révolution française, deux écoles sont en présence pour le moment : l’école absolutiste et l’école radicale. La révolution de février, favorisée peut-être par le silence et l’inaction des partis modérés, n’aurait-elle donc servi qu’à redoubler la confiance des partis extrêmes ? On comprend jusqu’à un certain point que le spectacle de l’anarchie entraîne chez quelques esprits aventureux et mobiles une sorte de doute et d’anxiété douloureuse à l’endroit des séduisantes promesses et des conquêtes mêmes de 89 ; mais que ce sentiment prenne la forme d’un système, qu’il se traduise en gros livres à prétention dogmatique, voilà qui a lieu de surprendre. Une récente Histoire des Causes de la Révolution française est un exemple de ces singulières exagérations qui ne sauraient avoir malheureusement pour excuse l’entraînement d’une émotion passagère. À ce titre, elle nous offrira peut-être quelques indices sur un singulier état de l’opinion, qui cherche à se dissimuler l’importance d’un problème trop redoutable, et va même jusqu’à nier résolûment ce qu’elle n’a pu réussir à comprendre.

Je crois superflu de reprocher à l’historien des Causes de la Révolution le ton un peu leste avec lequel il parle de ce grand événement. Il est trop visible que les façons hautaines et les formules irritées de Joseph de Maistre ne sauraient convenir même aux plumes les mieux trempées dans les luttes de la polémique quotidienne. Venons tout de suite, parmi les questions soulevées dans ce livre, à celles que les événemens de février ont mises à l’ordre du jour. N’était-il pas intéressant d’abord de se demander ce qu’il y avait eu dans la révolution d’accidentel ou de nécessaire, en un mot quel est l’élément durable que nous devons en dégager ? C’était certainement aussi un point des plus curieux et des plus féconds en enseignemens de chercher si la révolution aurait pu être évitée par les réformes, si, suivant ce qu’on pourrait appeler le vieux procédé de l’histoire de France, elle n’aurait pu s’opérer par voie monarchique. Une autre question enfin, encore plus contemporaine assurément, c’était de s’enquérir du rôle de la classe moyenne pendant la révolution française, et de déduire ainsi avec le sang-froid et le désintéressement de l’histoire, en face des attaques du socialisme, le rôle