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donnent une sorte de consécration rationnelle. Qui croira, par exemple, que ce soit une croyance sans efficacité que celle du fatalisme révolutionnaire ? Si le fatalisme énerve, il excite aussi. Combien de sectaires, du moins parmi les chefs, se sentent soutenus et exaltés par cette idée : la marche nécessaire des événemens amènera notre heure ; nous avons avec nous la force inévitable des choses ; notre triomphe, grace à elle, est prochain, assuré ! Quel excellent instrument pour pousser les masses en avant, pour les maintenir dans une perpétuelle exaspération, que de leur inculquer cette foi qui croit dévotement aux changemens à vue opérés par la violence, au bonheur du peuple accompli du jour au lendemain par l’insurrection ! Il suffit enfin d’avoir étudié un peu les héros de révolution pour voir jusqu’à quel point cette idée du bien naissant du mal sert de calmant à tous les remords, le stimulant à toutes les audaces, de mobile à cette espèce de fanatisme, qui va, chez quelques-uns, jusqu’à usurper la voix du devoir et de la conscience. Ce n’est donc pas seulement l’histoire, c’est la société lui doit rejeter à tout prix ces prétendus principes, lesquels, au tort d’expliquer fort peu de chose dans le passé, ajoutent celui de produire un mal très profond et très réel.

Est-ce là cependant la seule conclusion à tirer de la révolution française, et n’a-t-elle laissé que des erreurs ? Faut-il nous couvrir la tête de cendres et faire pénitence de la révolution, comme d’une folie nationale qui a duré de 1789 à 1848, qui dure encore ? Ici ce sont des idées tout autres que l’on trouve à combattre. Nous nous adressons à ceux qui prétendent trouver dans la révolution française la condamnation absolue du système parlementaire et la démonstration de l’excellence des théories absolutistes, et nous leur disons : Vous nous condamnez sans appel au nom des excès de la révolution. Vous comprenez dans un même anathème 89 et 93 comme deux dates étroitement solidaires, enchaînées l’une à l’autre, ainsi que la cause et l’effet. Vous invoquez à grands cris, et nous ne doutons pas qu’en cela vous ne soyez des esprits purs, parfaitement dégagés d’ambition et de vues personnelles, l’autorité et la tradition ; vous prétendez que la tradition et l’autorité, dont nous avons en réalité un si grand besoin, ont été brisées par la révolution française. Voici en quelques mots notre réponse.

Premièrement, la confusion que vous prétendez faire de 89 et de 93 n’est pas, je crois l’avoir montré, une idée bien neuve, ce qui devrait être un tort irrémédiable quand on fait profession d’horreur pour les idées communes, mais qui n’en saurait être un à nos yeux. Bien que cette confusion soit, depuis le 14 juillet 1789, jour où commença l’émigration, la thèse invariable des partisans du droit divin et du despotisme, nous ne la tiendrons pas pour plus suspecte. Nous demanderons