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du Maine n’opposerait plus ses fertiles vallées aux âpres solitudes de la vieille Acadie. Cette route aurait de plus l’avantage de relier Halifax, le principal port de guerre que la Grande-Bretagne possède dans ces régions, avec Québec, sa plus importante place forte. En 1844, le gouvernement anglais fit faire le tracé de ce chemin, qui, dans l’esprit des ingénieurs employés à ce grand travail, devait être une route stratégique (military road). Quelques années plus tard, la découverte de gisemens houillers considérables et la manie des chemins de fer furent cause que l’on abandonna ce projet ; une voie ferrée parut préférable, d’abord en ce qu’elle rendrait les communications plus rapides, et puis parce que l’exploitation des mines attirerait dans la colonie un plus grand nombre de travailleurs. Une pareille entreprise coûtera des sommes énormes ; il faut défricher un terrain couvert par endroits de forêts inextricables, construire des ponts sur des rivières rapides et capricieuses, tourner des lacs, éviter des marais ; mais rien n’arrêtera l’esprit entreprenant de l’Angleterre. Le Nouveau-Brunswick languit faute de débouchés, elle lui en créera ; les rivières qui l’arrosent vont tomber dans la baie de Fundy et l’isolent du Saint-Laurent, elle suppléera à ce désavantage au moyen d’une route qui viendra aboutir à la rade de Québec. C’est ainsi que le Canada, qui touche déjà par ses grands lacs aux principaux établissemens des territoires du nord-ouest, sera mis en rapport direct avec les provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, et deviendra de plus en plus le centre des possessions anglaises au nord du continent américain.


III. – LE BAS-CANADA. – QUEBEC.

Quoique la division du Canada en deux provinces ait été abolie en 1840 par un décret du gouvernement britannique, ce vaste pays se compose cependant de deux régions bien distinctes, celle de l’ouest, que bordent les grands lacs, et celle de l’est, qu’arrose le Saint-Laurent. Cette dernière constitue ce qu’on appelait le Bas-Canada, Lower-Canada. C’est sans contredit l’une des contrées les plus pittoresques,et les plus variées que l’on puisse rencontrer, et cette beauté d’aspect qui la distingue, elle la doit au Saint-Laurent, qui, par son étendue, par le nombre et l’importance de ses affluens, rivalise avec les plus grandes rivières de l’Amérique. On est convenu de faire commencer le Saint-Laurent à l’extrémité orientale de l’Ontario ; depuis ce point jusqu’à l’île d’Anticosti, où il tombe dans le golfe qui porte son nom, il forme un canal gigantesque long de deux cent vingt-cinq lieues, chargé de déverser à la mer la masse entière des eaux qui s’épanchent des lacs de l’intérieur. Il se jette franchement dans l’Atlantique par