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À peine arrivés au milieu des ruines, nous ne perdîmes pas de temps, et nous passâmes quelques heures à les visiter. À chaque pas, nous rencontrions des vestiges de civilisation, des maisons bien construites, des murailles en pierres de taille. En suivant la principale ligne des maisons, qui descend en gradins sur les flancs de la montagne, on se trouve sur une vaste place ayant d’un côté un palais et de l’autre un portique ou plutôt un mur triomphal. Les Indiens abattirent les arbres qui croissaient dans une des salles du palais, ils firent un toit de bambous et de roseaux, et là nous établîmes notre camp pour les huis jours que nous comptions passer à Choquiquirao.

Dans mes projets de fouilles à faire et de plans à lever, je n’avais pas fait entrer une des conséquences forcées de l’abandon du terrain pendant des siècles, la végétation qui envahit tout. Ce ne sont pas seulement les rues, mais les maisons et les murs mêmes des maisons qui sont garnis d’arbres et de plantes grimpantes. Impossible de dessiner l’ensemble de la ville. Le terrain est de toutes parts soutenu par des terrasses qui s’étendent les unes au-dessus des autres et, qui servent de terre-plein pour les maisons. Les rues sont étroites, surtout celles qui traversent la ville dans la direction de la pente de la montagne, qui forme un demi-cintre profond au nord. Derrière la ville s’élèvent à pic des rocs dentelés et couverts de neige ; à l’est et à l’ouest, deux presqu’îles de montagnes s’étendent comme deux bras pour cacher et protéger ces ruines ; au sud, et à une grande profondeur, coule l’Apurimec. Un monticule de forme circulaire se détache de la ville et s’avance comme un promontoire au-dessus de l’Apurimac. Le sommet de ce monticule, plat et arrondi, est soutenu par une muraille en maçonnerie. Nul doute que ce ne fût un de ces lieux destinés aux sacrifices et à la prière que l’on connaît dans le pays sous le nom d’adoratorios del sol. La base de ce monticule termine un des côtés de la grande, place de Choquiquirao. En face est le palais ; à droite et à gauche, un précipice. Le pied du monticule est, dans toute sa largeur (dix-huit mètres trente-deux centimètres), formé par le mur triomphal qui borde la grande place. Ce mur, d’une architecture irrégulière, n’a d’ouverture qu’une seule porte à gauche, devant les degrés qui conduisent à la plate-forme de l’adoratorio. L’ensemble du monument, dont la construction et les détails sont soignés, est d’une ordonnance architecturale des plus bizarres : il appartient cependant à l’époque la plus moderne de la civilisation péruvienne. La porte ouverte dans le mur triomphal est d’un style tout égyptien.

Nous fîmes déblayer la place et les édifices qui y touchent. Les différentes constructions au nord et à l’ouest de la place font partie du même édifice et sont réunies par des portes de communication. On retrouve ici, comme dans toutes les anciennes villes du Pérou, les