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blesse. Ces bizarres métaphysiciens de l’orgueil n’oublient qu’un point dans leur dialectique : c’est que le premier besoin de la conscience individuelle, quand elle n’a pas été corrompue par le triste dévergondage des beaux esprits de notre temps, son premier instinct est de s’en rapporter à la raison générale. L’orgueil est aujourd’hui la maladie intime de toutes les existences publiques, grandes ou petites. Les sentimens de la plus parfaite démocratie n’en exemptent pas : il couve chez les uns à la manière sourde et sentencieuse de Saint-Just ; il fait explosion chez les autres, il rayonne en feu d’artifice, il se prend à tout, se subordonne tout ; il ne voit en toute occasion, en tout lieu, même aux plus sérieux passages, que son génie à prôner sous prétexte d’honorer l’humanité, et son style à placer pour continuer l’illustration de son génie. C’est comme cela que M. Victor Hugo nous l’a montré l’autre jour en cour d’assises, où il a composé sur la peine de mort.

Au dehors, il ne s’est point produit depuis ces derniers temps d’épisode nouveau dans les complications toujours pendantes ; le seul endroit où il y ait eu quelque bruit inattendu, c’est à Hambourg, où le maréchal Legeditsch tient une nombreuse garnison qui s’est vue tout d’un coup assaillie par une partie de la population. On dit même que l’émeute n’aurait pas été réprimée sans des moyens très énergiques. Hambourg est pour l’Autriche un poste avancé qu’elle se fait gloire de tenir si loin de ses propres lignes de défense et à la face de l’Allemagne. L’occupation de Hambourg par les Autrichiens est un sujet d’inquiétude continuelle pour la Prusse, qui redoute de plus en plus l’ambition commerciale dont M. de Bruck semble avoir inspiré le goût au cabinet de Vienne. M. de Bruck a cependant tout récemment donné sa démission soit à cause des questions de finances, soit par suite de quelques difficultés avec le prince Schwarzenberg. Cette circonstance a provoqué dans la capitale de l’Autriche une certaine animation politique que l’on n’y remarquait plus de puis long-temps. On se croit sur le point d’aborder une phase nouvelle ; on parle de grands changemens qui seraient introduits dans la constitution du 4 mars. On se demande comment l’idée favorite du ministre dirigeant, l’idée de centralisation, pourra s’accorder avec les tendances séparatistes de plus en plus marquées dans les divers états de la monarchie. On s’inquiète enfin de la situation financière, qui ne change guère. On avait appelé une commission choisie parmi les banquiers de Vienne à délibérer en commun avec une section du conseil de l’empire. La commission a terminé maintenant ses travaux sans que l’on en sache encore le résultat, et l’on craint qu’il n’en soit de ces délibérations comme il en fut naguère de celles des fabricans, que l’on a réunis avec si peu de profit pour étudier les questions de tarifs. Il devient cependant de plus en plus urgent de remédier à la dépréciation des valeurs autrichiennes et de relever, si l’on peut, ce côté faible d’une situation au premier abord si prospère. Les fêtes d’Olmütz, qui semblent le couronnement de ces prospérités, n’ont peut-être fait qu’en cacher un autre revers.

Le parlement anglais est toujours le théâtre de la lutte engagée dans toutes les règles contre le cabinet whig par ses adversaires de toute nature. Les protectionistes, à la fois jaloux d’humilier le ministère et incapables de lui succéder, usent des habiletés de leur stratégie pour infliger à lord John Russell