Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pays, les autres aux mœurs des habitans. La guerre d’Afrique est avant tout une guerre de montagne, et le tableau des combats de Zuinalacarregui, en Navarre a déjà pu nous révéler quelques uns des obstacles qu’elle crée à nos armes. En Afrique, pourtant, la guerre de montagne prend en quelque sorte, une forme nouvelle ; elle dément, sur certains points du territoire, la guerre du désert. C’est là qu’est l’originalité de nos campagnes d’Afrique ; c’est là aussi qu’est la grandeur de la tâche essayée par tant d’hommes de guerre habiles, et remplie par un seul d’entre eux avec une incontestable supériorité.

Les difficultés propres à la guerre d’Afrique tiennent, nous l’avons dit, les unes à la nature, les autres aux hommes. Les premières ne sont pas les moins redoutables. Presque toujours le soldat a pour perspective d’une victoire gagnée quelque ville opulente ou il ira se ravitailler après le combat. Dans une expédition contre les Sicks, les soldats anglais voient autour d’eux une terre pleine d’aromates et des villes populeuses ; le soldat russe lui même, après une campagne dans le Caucase, sait qu’il retrouvera les riches bassins de la Tauride. Nos soldats, au contraire, n’ont jamais devant eux que le désert, le pays de la soif, comme ils disent ; ils savent qu’ils ne seront jamais reposés d’une expédition que par les privations nouvelles que chaque victoire leur imposera En entrant en campagne, ils reçoivent dix jours de vivres, c’est-à-dire une ration insuffisante de biscuit, trois cents grammes de viande, soixante grammes de riz, puis du café en place de vin. Ces dix jours de vivres sont généralement épuisés au bout d’une semaine. Alors, à moins qu’une razzia ne leur ’vienne. en aide, ils sont bien obligés de recourir aux provisions du désert, qui sont les rats, les serpens, les tortues, les gerboises et les racines. Heureux encore si le désert n’est pas trop avare de ces uniques ressources. Heureux surtout s’ils trouvent sur leur chemin quelque bois mort, que chacun ramasse en passant pour cuire la maigre pitance de sa compagnie !

Telles sont les dures conditions que la nature du pays impose à cette guerre. Voici maintenant quel ennemi nos soldats ont à combattre. L’Arabe vit de maraude et de pillage ; c’est dire assez, qu’il est belliqueux et nomade. Il porte sa tente au pommeau de sa selle, et pousse ses troupeaux au hasard devant lui, à travers le désert qui est son domaine. Une fois qu’il a caché dans les silos son blé et son orge, il va, au galop de son cheval, où son instinct de destruction le pousse et l’emporte. Sobre et infatigable, il est tantôt ici, tantôt là, partout présent pour le guet-apens et les surprises, toujours insaisissable pour le combat et la résistance. Rapide comme l’oiseau de proie, il voltige sans cesse autour de nos convois. À peine a-t-on levé un campement, qu’on