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au gouvernement qu’il avait déjà dépassé les limites du budget algérien. À mesure que la guerre multipliait les besoins de l’armée d’occupation, les chambres diminuaient ses ressources. Après la prise d’Alger, le corps d’expédition était de trente mille hommes : on le réduisit de moitié dans le même temps qu’on envoyait l’ordre d’occuper Bône et Oran. Les Arabes vinrent nous bloquer bientôt dans Alger même : il fallut leur disputer au moins les avenues de la Mitidja ; mais, après sa première incursion à Médéah, l’armée ne comptait guère plus de dix mille hommes d’effectif. Cependant, lorsque le général Clausel, qui avait succédé à M. de Bourmont dans le commandement, s’avisa de céder ; moyennant tribut, le beylick d’Oran et le beylick de Constantine à deux princes tunisiens gouvernant au nom de la France, le ministère désavoua l’acte du général comme entraînant une aliénation trop complète des droits de la France sur l’Algérie. Cela n’empêcha pas le gouvernement, trois ans après, de ratifier le traité Desmichels. Ainsi, après avoir refusé l’investiture d’Oran et de Constantine aux princes de Tunis se faisant nos vassaux, nous donnions la souveraineté de L’Algérie presque tout entière à Abd-el-Kader, se déclarant notre ennemi.

Jusqu’en 1838, personne n’aurait pu affirmer que nous garderions l’Algérie. Aussi les soldats qu’on y envoyait, trop peu nombreux pour occuper les lieux qu’ils avaient envahis, ne savaient plus ni où aller ni qui entreprendre. Après une expédition, nous laissions toujours sans protection les tribus qui s’étaient, compromises dans notre cause, et, précisément parce que nous n’avions pu les protéger, il nous fallait les venger ensuite. Le châtiment une fois exercé, on s’en retournait sans plus d’avantages qu’on n’en avait auparavant, mais en acceptant une responsabilité plus lourde pour l’avenir. La conquête se faisait ainsi au hasard, sans plan arrêté, sans intention même, et au prix de sacrifices qu’on savait inutiles. On peut presque dire que nous avons été engagés vis-à-vis de l’Algérie beaucoup plus, par nos fautes et par nos échecs que par nos exploits et notre volonté. Toutes les fois que les chambres votaient de nouveaux crédits, c’était plutôt pour réparer le passé que pour préparer l’avenir, plutôt pour couvrir la vanité de notre politique que pour seconder les intérêts de notre conquête.

En retirant de Bône les troupes qui en avaient pris possession en 1830, nous y avions laissé des auxiliaires. Après le départ de nos troupes, ces auxiliaires sont bloqués par le bey de Constantine, et nous demandent secours. Le général Berthezène, le successeur du général Clausel, expédie quelques soldats à Bône ; ces soldats sont massacrés à leur arrivée : cela nécessite l’envoi de nouvelles forces. Nous mettons donc garnison à Bône ; mais, une fois la garnison installée, il devient nécessaire d’expédier de Toulon, un corps de trois mille hommes pour garantir