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serait une perpétuelle tentation de révolte pour les Kabyles des autres montagnes qui s’étaient rangés sous notre domination, et que la colonisation enfin, le but, de tous nos sacrifices en Algérie, ne commencerait jamais tant que ce dernier foyer laissé à l’insurrection alimenterait l’état de guerre dans nos possessions toujours menacées.

Le Djérjera couvre de son ombre les plus beaux abris de la colonisation européenne : à l’ouest, les vallées de l’Isser, abondantes en pâturages, le Hamza, où l’olive et l’oranger mûrissent ; au sud la Medjanah, fréquentée des abeilles, et la plaine de Sétif ; à l’est et au nord, les collines fécondes qui, de Sétif jusqu’à Bougie et de Bougie à Dellys entourent, comme d’une ceinture de moissons, et de forêts les flancs escarpés des grandes montagnes. Néanmoins cette ombre du Djerjera ne sera jamais propice à la colonisation tant qu’un Kabyle armé dominera les hauteurs. Il semblait qu’un charme mystérieux eût protégé jusque-là ce grand massif de montagnes contre l’effort de nos armées. Toutes les fois que le maréchal s’en était rapproché, un cri d’alarme avait retenti à Paris. Encore cette fois, il allait être obligé de faire son expédition à la dérobée, après l’avoir préparée en secret. Comment les chambres, qui avaient accordé toute sorte de crédits pour aller dans le Datera et dans l’Ouérenséris, refusaient-elles obstinément ce qu’on leur demandait pour aller dans la Grande-Kabylie, c’est-à-dire pour terminer la guerre d’Afrique ? La conquête de la Kabylie était plus importante assurément que la conquête de l’Ouérenséris et du Dahra. Était elle plus difficile ? — Tous les khalifats de l’émir étaient morts ou en fuite Bou-Maza lui-même, chassé par les tribus et poursuivi par nos colonnes, venait de se remettre entre les mains du colonel Saint-Arnaud, découragé et mourant de faim. Ben-Salem, le seul khalifat de l’émir resté debout, comprit que son tour était venu. Au lieu d’attendre dans ses montagnes une défaite inévitable, il vint chercher l’aman à Alger, dans les derniers jours de mars 1847. Il obtint du maréchal la faveur de pouvoir se retirer à la Mecque, et son frère, Si-Omar, fut investi, à sa place, du commandement des tribus kabyles qui longent le cours supérieur de la Summam, du côté de Hamza C’étaient les Ouled-Aziz, les Beni-Yaala, les Ben-Djaad, les Merckalla, qui fournissent un contingent de dix mille fusils. Bel-Kassem-ou-Kassi, chef des Ameraouas, craignant le même sort que Ben-Salem, était venu avec lui faire sa soumission à Alger. Le maréchal l’investit du commandement des tribus qui s’étendent au-dessous de Dellys, dans la riche vallée de Sebaou, et qui fournissent un contingent de vingt-deux mille fusils. Ben-Zamoun conserva le commandement des tribus qui confinent à la vallée de l’Isser, les Flissas, les Beni-Kalfoun, les Nezlyoua, fortes de plus de six mille fusils. C’était donc, depuis Dellys jusqu’au poste d’Aumale