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finances dépendent entièrement de la politique. En 1848, le produit des impôts indirects, très considérable pendant les deux premiers mois, tomba de 150 millions, après la révolution de février, pour l’année entière. Il s’est relevé de 50 millions en 1850. Le revenu indirect suit naturellement l’essor que prennent l’industrie et la richesse. C’est un progrès qui va de soi quand l’ordre règne dans les rues et la sécurité dans les esprits.

Une nation qui ne parvient pas à couvrir ses dépenses ne doit pas craindre de s’imposer pour faire face aux nécessités qui pèsent sur elle. J’ai déjà demandé le rétablissement d’un décime, par voie d’addition, à la taxe du sel, dans l’espoir d’en obtenir 25 millions de plus ; mais, puisque le gouvernement ne l’a pas proposé et que l’assemblée n’a pas suppléé par son initiative au silence du gouvernement, aux approches de 1852 il me paraît impossible d’aborder une difficulté de cette nature. Nous ne devons pas fournir des armes aux ennemis de l’ordre social. Le souvenir es 45 centimes a été exploité contre le gouvernement provisoire ; l’impôt du sel, si l’on commettait à cette heure l’imprudence de l’aggraver, deviendrait un bélier d’attaque à l’aide duquel pouvoir législatif et pouvoir exécutif seraient bientôt battus en brèche. Il ne faut exiger de pareils sacrifices que lorsqu’on est en position de faire appel à la raison calme du pays. Je reconnais que les pouvoirs publics doivent s’adresser à l’impôt pour couvrir l’excédant des dépenses ; mais j’ajoute que cela ne peut se faire qu’après l’épreuve de 1852.

Au surplus, la crise que l’on redoute pour l’année 1852 ne paraît pas devoir se prononcer, si elle éclate et quand elle éclatera, sous la forme d’une perturbation jetée dans les régions financières. Les portefeuilles des capitalistes ne sont pas aujourd’hui encombrés de valeurs de toute espèce comme dans les premiers mois de 1848. Ce sont les épargnes des départemens qui viennent à Paris s’échanger par fractions contre des rentes. Les banquiers n’ont pas rempli leurs caisses d’actions de chemins de fer achetées à un très haut prix. Il n’y a pas de grandes spéculations engagées dans l’industrie ni dans le commerce. Aucun emprunt ne surcharge la place. La Banque voit peu à peu se réduire ses escomptes, qui représentent à peine le tiers des valeurs qu’elle avait l’habitude d’accepter. Les compagnies de chemins de fer ont demandé, ou peu s’en faut, à leurs actionnaires, tout ce qu’elles avaient à leur demander. Les capitalistes ne se sentent pas gênés, les capitaux restent disponible ; en un mot, les ressources abondent pour l’heure du péril.

Le véritable danger qui nous menace, c’est la suspension ou plutôt le ralentissement du travail. En 1849, les manufacturiers ne fermèrent pas leurs ateliers, parce qu’ils pouvaient préparer des approvisionnemens,