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Tout port de guerre n’est complet aujourd’hui que lorsqu’il renferme un arsenal à vapeur. Le nouvel arsenal de Cherbourg est en voie d’achèvement ; la dépense s’élève à 2,974, 000 francs. Déjà, on y a construit un appareil de 120 chevaux, et la fonderie est terminée. Les ateliers pourront produire annuellement une force de 2,000 chevaux, c’est-à-dire quatre frégates de 500. Peut-être faudra-t-il encore creuser un bassin à flot, pour les bateaux à vapeur ?

Ce n’est pas tout : il faut couvrir la ville et le port d’un réseau de fortifications. Il appartient au ministère de la guerre de décider ce qui doit suffire du côté de la terre ; mais, contre une attaque par mer, pour arrêter une flotte résolue à réduire à néant l’arsenal si cher à la France, dût cette flotte s’y abîmer elle-même, il faut entasser des batteries sur les deux musoirs qui terminent la digue et le long des passes des vaisseaux. Tout ce que l’artillerie moderne peut inventer de plus formidable doit être réuni là. Le sentiment national n’a pas besoin d’être excité pour voter les fonds nécessaires à l’achèvement de Cherbourg que le ministère dise seulement ce qu’il faut, l’instinct de la France fera le reste.

Pour auxiliaires, Cherbourg a les petits chantiers de construction que l’état possède à l’entrée de la Manche, au Havre et à Dunkerque. S’il est vrai que les travaux d’endiguement de la Seine doivent rendre à toute heure de la marée l’entrée du Havre accessible aux frégates, notre petit établissement de l’embouchure de la Seine reprendrait de l’importance ; mais à quoi bon raisonner sur ce qui n’est encore qu’une espérance ? Qu’il nous suffise de l’avoir signalé.


II. – TOULON.

S’il était un moyen de réaliser cette aspiration secrète de la France : « La Méditerranée doit être un lac français, » la marine à vapeur le fournirait. Déjà nous avons établi comme un bac de frégates à vapeur entre la Provence et l’Afrique ; Alger n’est pas à deux jours de Toulon ; en dix fois vingt-quatre heures ; nous pouvons porter une armée de 30,000 hommes sur les sables de l’Égypte ou à Constantinople. Louis XIV dans tout l’éclat de sa puissance, atteignait moins facilement les frontières de la France que nous les derniers replis de la Méditerranée. Si l’on osait encore rêver pour notre pays un avenir de conquêtes, Toulon en serait le point de départ ; mais le temps n’est plus de ces illusions de gloire : le fait actuel, c’est que Toulon est dans la Méditerranée, comme Cherbourg dans la Manche, comme Brest sur l’Atlantique, notre front d’attaque et notre pivot de défense pour la guerre maritime.

La Méditerranée, voilà le véritable domaine de la marine nouvelle. Toulon, nous l’avons dit, fut autrefois le port des galères de la France ;