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emploierons dans nos vaisseaux en construction 3 ou 400,000 stères de prévoyance, la valeur de 70 vaisseaux de ligne : 140,000 à Brest, 50,000 à Lorient, le reste dans les autres ports, en assignant à Toulon la plus forte partie, car Cherbourg ne possède encore aucun établissement pour la conservation des bois. À Toulon, nous pourrons construire et tenir prête une armée navale tout entière, à Brest aussi une année navale ; Rochefort leur offrira et un abri sûr et un point d’appui dans la guerre ; Lorient servira de station aux bâtimens de flottille ; enfin sous la digue de Cherbourg s’abriterait une flotte de 15 vaisseaux de ligne soutenus de 20 frégates à vapeur. La monarchie de 1830 avait jeté les bases de l’établissement naval ainsi fortement conçu. Puisse la république ne pas laisser périr cette œuvre ! Qu’on soit bien averti que si l’orgueil d’une nation éclate dans sa marine, ce n’est qu’au prix de grands sacrifices. Il en coûte cher, n’est-ce pas ? pour mettre à la mer une flotte à voiles : eh bien ! l’entretien d’une armée navale à vapeur doublerait la dépense. Dans la marine de paix cependant la vapeur peut être employée de telle manière que cette dépense soit plutôt diminuée qu’accrue[1].

Est-il besoin d’ajouter qu’en demandant à la France la création d’une forte marine à vapeur, nous n’oublions pas la place qui doit être maintenue au vaisseau de ligne parmi les engins du combat naval ? Pour nous, l’instrument de la grande guerre maritime n’est encore que le vaisseau de ligne aidé de la frégate à vapeur, soit pour le ramener au feu, s’il tombe accidentellement sous le vent de la ligne de bataille, soit pour le retirer désemparé du combat. Si les vaisseaux à flot résistaient au temps comme les forteresses de roc et de ciment, il y a long-temps que la France entretiendrait dans ses ports 50 ou 60 vaisseaux tout armés ; mais en moins de quinze ou vingt ans de paix cette flotte aurait disparu tout entière sous l’influence destructive de la mer : en élever sans cesse une nouvelle sur les débris, des anciennes, ce serait folie. La conserver sur cales, on le peut à moins de frais, avec cet autre inconvénient toutefois qu’alors nous ne serions en mesure ni de nous présenter sur-le-champ au combat, ni de suivre les constructions navales dans leur progrès. Ce progrès est lent sans doute : ainsi, depuis près d’un siècle, le vaisseau de 120 canons demeure le roi des batailles,

  1. Tableau comparatif du prix de revient d’une flotte à voiles et d’une flotte à vapeur.
    VOILE VAPEUR
    Le vaisseau à 3 ponts armé coûte 3,000,000 fr Le vaisseau de 960 chevaux correspondant au vaisseau de 80 à voile 4,000,000 fr
    Idem de 100 canons 2,800,000 La frégate de 650 chevaux 2,150,000
    La corvette de 400 chevaux 1,340,000
    Idem de 90 canons 2,500,000 Idem de 300 chevaux 1,030,000
    Idem de 90 canons 2,000,000 L’aviso de 200 chevaux 680,000
    Idem de 80 canons 2,000,000 Idem de 120 chevaux 360,000