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telle ou telle précaution mal prise, et par toutes sortes de petites causes, vraies ou fausses, mais qui n’ont été désastreuses que parce qu’elles se joignaient à la grande cause de tout le mal, à savoir les fautes du gouvernement. Je l’ai déjà dit : il faut bien gouverner ou périr, la loi est inexorable ; et il y a plus d’une manière de périr, parce qu’il y a plus d’une manière de mal gouverner. On peut périr parce qu’on jette le défi au génie de la révolution ; on peut périr encore parce que, sans l’attaquer ouvertement et sans violer un seul article d’une charte, on résiste obstinément aux progrès les plus nécessaires et les plus innocens et on condamne ainsi une nation ou à s’arrêter et à demeurer immobile, ou à laisser tomber un pouvoir qui se trahit lui-même. Il serait aussi par trop extraordinaire qu’un gouvernement irréprochable, entouré de l’estime et de la confiance publique eût succombé sous la plus misérable attaque, qui fût jamais. Cette attaque n’a réussi que parce qu’elle prenait les couleurs de la réforme et que la réforme était le vœu général. Paris était réformiste ; sa faute, et il l’a payée bien cher, a été de n’avoir pas vu que sous la réforme se glissait la république, et, après avoir si vivement appuyé l’une, de ne s’être pas retourné contre l’autre avec la même énergie ; mais Paris l’eût fait, je n’en doute pas, et très promptement, si un gouvernement habile lui en eût donné le temps, si bonne heure de rapides et libérales mesures eussent divisé l’insurrection et séparé les réformistes des révolutionnaires. Ce ’est donc pas la nation qu’il faut accuser ici, c’est le gouvernement. Je le dis à regret, mais avec une conviction profonde : c’est lui qui est le premier auteur de la révolution de février, comme Charles X est l’auteur de la révolution de 1830, et l’empereur de la restauration.

Je ne veux pas même répondre un mot à ceux qui reprochent à l’opposition constitutionnelle d’avoir amené la révolution de 1848. Comment ! l’avertir les gouvernemens des dangers, auxquels ils s’exposent, c’est donc créer ces dangers ? À ce compte, pour être conséquent, il faut dire que c’est l’opposition de M. de Chateaubriand et de M. Royer-Collard et l’adresse des 221 qui ont fait la révolution de 1830, et que l’honnête homme qui, envoyant paraître le ministère de M. de Polignac, s’est écrié : « Malheureux pays ! Malheureux roi ! » a soulevé le pays et détrôné le roi. Il faut dire aussi que c’est la commission des cinq, en 1812, qui a perdu l’empereur. Écartons ces déclamations, et donnons-nous le spectacle du grand caractère moral des événemens de ce monde.

Les lois de la morale s’appliquent aux choses humaines aussi certainement, aussi inflexiblement que les mathématiques aux mouvemens du ciel et de la terre. Particuliers et gouvernemens, états et familles, il n’y a qu’un moyen de prospérer et de durer, c’est de se bien