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successivement éconduits, et le gouvernement dominicain, tout en reconnaissant l’impossibilité de sauver la naissante république par elle-même, persistait à ne s’adresser qu’à nous. Le 15 février 1845, M. Baez écrivait à M. Levasseur, notre consul à Port-au-Prince : « Vous n’avez qu’à nous indiquer le moyen que vous trouverez le plus convenable pour convaincre la France de notre sincère désir de nous placer sous sa puissante protection, quel que soit le sacrifice qu’il nous faille faire pour l’obtenir. » Les Dominicains auraient en un mot consenti à nous payer au besoin leur quote-part de la dette haïtienne, d’une dette qui ne les concernait pas. Pour vaincre nos résistances, M. Baez ajoutait : « Le gouvernement est dans la nécessité de traiter avec la première nation qui lui offrira de le tirer de la position isolée où se trouve notre république. » Peu de temps après, le président Santana renouvelait en vain ces sollicitations ; l’expédition de Pierrot rendait de plus en plus urgentes les nécessités invoquées par Baez, et les Dominicains préféraient cependant les chances d’une lutte inégale à la protection que la Grande-Bretagne leur offrait. Une nouvelle victoire les aidait bientôt à patienter, et ils ne profitaient de ce moment de répit que pour rentrer en négociation avec la France. M. Baez et deux autres commissaires partaient pour Paris. — Au moment où la révolution de février éclata, la commission dominicaine n’avait pas même obtenu d’être reçue officiellement, et c’est au gouvernement, provisoire (mars 1848) que furent remises les propositions de Santana.

Pour le coup, lord Palmerston avait la partie belle. La France était désormais trop occupée chez elle pour se souvenir des Dominicains, et encore moins pour songer contre-carrer les envahissemens coloniaux de la Grande-Bretagne. Où le succès est certain, la réserve est inutile. Le gouvernement anglais, qui avait affecté jusque-là de se poser à Port-au-Prince comme le protecteur-né de l’ouest contre les intrigues dominicaines de la France, nomma brusquement un consul à Santo-Domingo. Ce consul était M. Robert Schomburg, annexioniste fort expert et bien connu pour la part qu’il avait prise jusque-là aux machinations et aux mauvaises querelles dans lesquelles la chancellerie britannique cherche à envelopper les petites républiques du continent américain. Tout servait les espérances du Foreign-Offce. En haine de Santana et de Baez, qui personnifiaient les tendances françaises du congrès et de la population, le nouveau président, Jimenez, ne demandait pas mieux que de devenir le chef du parti anglais. Restait toujours à créer ce parti anglais, et M. Schomburg, à peine débarqué, se mit à parcourir le pays en compagnie du colonel Henneken, pendant que quatre bâtimens de guerre de sa nation se montraient successivement sur divers points de la côte ; mais les deux agens eurent beau répéter que l’Angleterre était la seule puissance qui eût