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de ceux qui peuvent le plus donner à réfléchir aux esprits religieux et philosophiques de notre époque : c’est le symptôme d’une crise imminente dans le protestantisme, et qui ne peut, tôt ou tard, manquer d’éclater. Ce sentiment théiste, qui fait le fond des écrits de Channing, de Théodore Parker, se fait continuellement sentir dans tous les vers de ce recueil qui, par la forme ou le sujet, touchent à la religion.

Les descriptions de la nature, chose bizarre, ne frappent pas ici, comme on devrait s’y attendre, par leur nouveauté. Je vois bien de loin en loin les noms des palmiers, des cotonniers, des cocotiers, les noms botaniques d’une flore qui m’est inconnue ; mais peu s’en faut que je ne prenne tous ces arbres et toutes ces plantes exotiques pour les peupliers, les chênes et les bouleaux, pour les plantes modestes de notre Europe. On sent très peu, dans toutes ces poésies, le sentiment particulier d’une nature originale ; au milieu de ces bois et de ces forêts du Nouveau-Monde, on se croirait presque dans un bois ou dans une forêt de France ou d’Angleterre ; seulement on peut y remarquer une peinture plus vive de la verdure et des eaux. Avez-vous vu quelquefois les paysages de Théodore Rousseau ? La verdure y est plus verte, les feuilles jaunies y sont plus jaunes que dans les tableaux de tel ou tel autre paysagiste ; mais l’esprit de la nature n’y circule pas davantage : tel est l’effet que nous font éprouver les descriptions de la nature faites par ces poètes féminins. Voici une peinture due à la plume de mistriss Francis Green à l’appui de notre assertion.

« Aucun vent ne soufflait à travers la forêt et n’agitait la plus mince feuille. Si quelque léger bruit se faisait entendre à travers les arbres, ce n’était que le léger bruit que peut faire un oiseau en bâtissant son nid, ou la feuille qui, courbée tout à l’heure par le vent, se redressait et reprenait sa place naturelle. Au loin se faisait entendre le mugissement profond des eaux, mais changé par la distance en un mélodieux murmure comparable aux chants que chantent les naïades avant de prendre leur repos du midi. Un mouvement de frisson courait à travers les feuilles du tremble, et de leurs rameaux sortait un bruit si délicat et si semblable au bruit que peut faire un esprit, qu’on aurait dit l’ame de la musique passant muette et sans rendre un son. L’anémone courbait sa tête languissante, pleurant l’absence de son amant paresseux, jusqu’à ce que, la douce langueur courbant sa tête somnolente, elle rêvât de zéphyrs du sud venus pour la réveiller et lui donner une vie nouvelle. L’églantine exhalait ses parfums, et la rose étalait ses boutons rougissans… Dans les tranquilles vallées et dans leurs ombreux replis, les eaux coulaient lentement, trouvant dans d’indéfinis détours de douces excuses pour leur lenteur. Les lis croissaient en foule sur leurs bords, fleurs chéries des naïades, lorsqu’elles apparaissent pour jouer avec les eaux profondes.

« L’abeille sauvage, rôdant d’une aile voluptueuse, attaquait à peine les fleurs et sommeillait presque fatiguée du poids de son miel ; comme oppressée de