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lord Palmerston à mettre dans ce coin de l’Europe un peu plus de trouble qu’il n’y en a par nature ?

Le grand spectacle de l’exposition n’a pas absorbé toute l’attention publique en Angleterre durant ces derniers jours ; les affaires de politique et de religion ont eu leur place comme en un temps moins occupé. Ainsi le mois de mai se trouve de longue date l’époque à laquelle se réunissent à Londres en assemblées solennelles toutes les sociétés qui s’occupent de dévotion ou de charité. Le prosélytisme britannique a considérablement étendu ces pieuses associations, et les meetings généraux seront cette année d’autant plus fréquentés, que l’exposition aura, par un motif, il est vrai, plus mondain, conduit dans la capitale bon nombre des associés, des frères ou des sœurs de province. On compte du 9 avril au 24 juin jusqu’à cent douze anniversaires qui ont été ou étui doivent être célébrés par des institutions de bienfaisance ou de piété, dans des meetings, des dîners ou des sermons. Exeter-Hall n’est pas très loin du palais de cristal. Exeter-Hall est le nom reçu, le mot de convention, sous lequel on désigne ordinairement le lieu de ces meetings, quoiqu’il n’y en ait guère qu’une trentaine qui se tiennent dans cet édifice, mais ce sont les plus importans, et Exeter-Hall est tout rempli de leurs comités et de leurs bureaux. Exeter-Hall, projeté en 1825 et ouvert en 1831, sous les auspices de sir Thomas Baring et de quelques autres patrons, est devenu tout de suite le foyer d’un certain monde qui depuis long-temps d’ailleurs était organisé. L’usage des meetings de mai date du règne de Charles II ; il commença dans la Société des Amis, et s’accrédita peu à peu parmi les autres dissidens. Ce fut seulement vers 1760 et 1770 que ces réunions touchèrent à des questions qui n’étaient point purement religieuses, à des questions politiques et sociales, comme fit l’Anti-Slavery Society : celle-ci comprenait naturellement pour un pareil but des dissenters aussi bien que des ecclésiastiques de l’église établie : la Société Biblique, fondée au commencement de ce siècle, a continué cette fusion, et l’influence d’Exeter-Hall s’est progressivement accrue par des ramifications nombreuses. Exeter-Hall a fait du bien et du mal ; il pousse loin l’esprit de secte, et il se mêle parfois des choses qui ne sont pas précisément de sa compétence, de colonisation et de discipline pénitentiaire. Il serait pourtant injuste de ne pas lui reconnaître ce qu’on appellerait en Angleterre un grand fonds de respectabilité : c’est l’incarnation du puritanisme anglais.

Les protectionistes continuent à remuer avec une infatigable persévérance ; ils ont convoqué, il y a quelques jours, une grande assemblée au théâtre de Drury-Lane, et leurs journaux ont nommé ce meeting une démonstration sans pareille. À croire le Standard, on ne se souviendrait pas de mémoire d’homme d’en avoir vu qui l’égalât. Les réunions du free trade n’étaient que de la fausse monnaie à côté de celle-là ; la qualité, la quantité, tout se rencontrait à la fois dans le meeting protectioniste. Le Times ne parle point avec la même révérence de ces dignes campagnards qui se perdaient dans les détours intérieurs de Drury-Lane, comme dans un labyrinthe entièrement nouveau pour eux. L’instant, dit le Times, avait été bien choisi entre les travaux du printemps et ceux de l’été pour amener du monde à cette manifestation ; des trains spéciaux avaient été chercher des convois entiers de cultivateurs, et le théâtre était rempli de robustes gentlemen, de solides yeomen (substantial yeomen). L’adversaire capital