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cavalcade des hobby-horses se retrouva en grande faveur sous le règne de Charles Ier. On peut voir dans une tragi-comédie de William Sampson, the Vow breaker (l’homme qui a rompu son voeu), la peinture fort plaisante des laborieux exercices qu’était obligé de s’imposer le citadin qui, sous la longue housse du palefroi d’osier, devait volter, trotter, galoper, ruer au naturel. L’auteur a peint d’une manière très originale le désespoir d’un honnête bourgeois désigné pour ce rôle, et qui se voit menacé d’être supplanté dans cet emploi, après s’être exténué au fatigant apprentissage de toutes les allures chevalines, et quand il pouvait enfin se flatter de savoir agréablement piaffer, se cabrer, ambler, hennir, secouer en cadence les panaches et les rubans de sa crinière, et faire sonner sa sonnette et ses grelots avec la justesse d’un carillon[1]. La préoccupation que causait naturellement une tâche aussi difficile a donné naissance à une expression qui est demeurée dans la langue anglaise : It is his hobby-horse, c’est son idée fixe[2], son dada, comme nous disons aussi familièrement. Au commencement de ce siècle, les Anglais nommèrent hobby-horse un jouet qui se composait d’une planchette soutenue par un montant et deux roulettes, et qui était muni d’un ressort à l’aide duquel on pouvait le mettre en mouvement et le diriger. Une passion singulière pour ce jeu puéril s’empara, il y a trente ans, des citoyens de la Grande-Bretagne de tous les âges et de tous les rangs. En 1819 et en 1820, ces petites manivelles sillonnaient les allées de tous les parcs d’Angleterre. La caricature s’exerça largement, comme on peut le croire, sur cette hobby-manie. Princes et ministres, tories et whigs, furent représentés enfourchant chacun leur hobby. M. Thomas Wright a publié, comme échantillon des plaisanteries pittoresques qui accueillirent ce caprice, une caricature qui représente l’impétueux duc d’York (the military episcopal duke of York) précipitant son fougueux hobby sur la route de Windsor, à la poursuite de la réduction de la liste civile, dont il prélevait pourtant une part assez jolie[3].

  1. The Vow breaker, or the fair maid of Clifton, 1632. Le passage cité m’a été fourni par Nathan Drake, Shakspeare and his Times, page 170, en note.
  2. Je trouve déjà cette expression dans une lettre de John Dennis qui parait se rapporter à l’année 1695 (the select Works of John Dennis, t. II, p. 510) ; mais était-elle usitée du temps de Shakspeare ? Je soumets ce doute à M. Benjamin Laroche à propos de la manière dont il a rendu le passage d’Hamlet que j’ai traduit plus haut, et de la note qu’il y a jointe.
  3. Voyez the England under the house of Hanover, illustrated from caricatures and satires o f the day ; 1848, t. II, p. 460. La Revue a rendu compte de ce piquant ouvrage dans les livraisons des 15 mai et 15 juillet 1849.