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Dans la Douzième Nuit, Shakspeare achève de peindre le caractère et le costume de cet ancien bouffon :

Like to the old Vice

Who with dagger of lath
Cries ah ! ah ! to the devil…

Semblable au vieux Vice des moralités, qui, armé d’une épée de bois, chante une belle gamme au diable[1].

À ceux qui douteraient que les théâtres de marionnettes aient représenté des morals, j’apporterais le témoignage de Shakspeare. Le loyal comte de Kent, saisissant un émissaire de Goneril, la fille ingrate du vieux monarque, l’apostrophe en ces termes :

L’épée à la main, misérable ! Tu apportes des lettres contre le roi, et tu sers la révolte de cette présomptueuse marionnette, lady Vanity, contre la légitime royauté de son père.

… Take Vanity the puppet’s part against the royalty of her father[2].

On voit donc que Vanity ou lady Vanity[3], qui était un des personnages habituels des moralités, figurait aussi dans les puppets-shows[4].

Quant aux titres des moralités ou des miracle-plays représentés par les marionnettes (acted by mammets) pendant cette première période, nous n’en connaissons, à vrai dire, aucun avec certitude. Je crois pour tant pouvoir indiquer trois pièces religieuses qui me paraissent avoir dû être jouées par les marionnettes avant 1560. Dans un pamphlet posthume de Robert Greene, publié l’année de sa mort (1592), sous le titre de Greene’s groat’ sworth of wit bought with a million of repentance des quatre sous d’esprit de Greene payés par un million de repentir), un vieux comédien se vante à Roberto (probablement Robert Greene lui-même) d’avoir été pendant sept ans interprète et directeur de marionnettes (absolute interpreter of the puppets) et d’avoir composé deux

  1. Twelfth-Night, acte IV, se. n, et la note du docteur Johnson. Voyez Malone’s ; Shakspeare by Boswell, t. XI, p. 479 et note. Ben Jonson arme aussi the old Iniquity d’un wooden dagger dans the Deuil is an ass, acte I, sc. I ; Works, t. V, p. 13 et 14.
  2. King Lear, acte II, sc. II.
  3. Voyez, pour cette dénomination, Marlow, the Jew of Malta, acte II ; a select Collection of old plays, t. VIII, p. 277. Un mari jaloux, dans une des meilleures comédies de Ben Jonson, donne aussi à sa femme le nom de lady Vanity. Voyez Valpone, acte II, sc. III. Cf. the Deuil is an ass, acte I, sc. I.
  4. M. Whalley, éditeur et commentateur de Ben Jonson, cite à l’appui de cette opinion un passage de l’Alchimist où se trouvent ces mots : A puppet with a vice ; mais il n’est pas question dans cet endroit du Vice des moralités, il s’agit d’une marionnette mue par un ressort, with a vice, comme l’ont fait remarquer MM. Farmer (Malone’s Shakspeare by Boswell, t. XIX, p. 249) et Gifford (Works of Ben Jonson, t.. IV, p. 41 et la note). Nous avons vu plus haut le crucifix de Boxley tau with divers vices.