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sur un pied coûteux. On donnait bien des fêtes et des bals au profit de ces réunions, on recevait bien quelques souscriptions de la munificence aristocratique ; mais ces ressources ne suffisaient pas généralement aux besoins. Il fallut faire de larges appels à la bourse des sociétaires. Les ouvriers ne voulurent pas toujours y répondre, et ils s’éloignèrent, au moins dans un certain nombre de villes, de ces établissemens créés pour eux ; ils y furent remplacés par des commis ou de petits boutiquiers qui vont y chercher des récréations plutôt qu’une instruction sérieuse. Malgré ces déviations, les cercles fondés sous le nom de mechanics’ institutions ont rendu des services véritables toutes les fois qu’ils ont été prudemment administrés. On a fait le calcul que quatre cents de ces établissemens possédaient plus de cinq cent mille volumes dans leurs bibliothèques, et donnaient par an plus de quatre mille leçons sur des sujets divers. Bien qu’à l’origine whigs et tories eussent également songé à s’en faire un moyen d’influence politique, l’idée première qui avait présidé à ces créations était une idée libérale ; on voulait appeler l’esprit des artisans en dehors du cercle de leurs occupations manuelles ; on voulait élargir l’horizon de leur intelligence. Pour que les mechanics’ institutions produisissent tout le bien qu’en attendaient les fondateurs, il aurait fallu les consacrer exclusivement à un enseignement spécial. Ramenées dans ces conditions, dégagées d’un faste inutile, elles pourraient être alimentées avec les ressources propres des sociétaires, aidés seulement au début par des souscriptions qui ne manquent jamais en Angleterre aux œuvres vraiment utiles. On commence à réunir ces maisons sous la même administration que les écoles populaires : c’est là une bonne mesure. S’il importe que l’institution ne se confonde pas avec l’enseignement ordinaire, elle se trouvera moins exposée en s’en rapprochant à perdre de vue le seul rôle qu’elle doive remplir, celui de procurer aux ouvriers adultes les connaissances nécessaires pour l’exercice de leur état.

C’est ailleurs, c’est dans les écoles des paroisses annexées aux workhouses, dans les ragged schools (écoles en haillons), qu’il faut chercher l’instruction industrielle destinée aux enfans que la détresse ou les vices des parens réduisent à la misère. Le régime des ragged schools n’est pas inattaquable, la critique économique y pourrait relever des abus ; mais enfin l’Angleterre doit à ces écoles la première application un peu large de l’enseignement industriel (industrial training). Auparavant, on recueillait et on nourrissait les enfans dans les asiles des paroisses, on ne les préparait pas à se suffire à eux-mêmes. Pauvres êtres abandonnés sans état, sans valeur active, sans ressources, sans espérance, ils grandissaient pour l’éternelle misère ; et quelquefois pour être la honte et la plaie de la société. Leur âge mûr n’avait en perspective