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les rapports du ministère et de la majorité, et, après avoir vécu depuis quelque temps en termes de plus en plus froids, on est venu à rompre. Le ministère se proposait de liquider la situation financière du pays par un ensemble d’économies et de réformes qui constituaient tout un plan. Ce plan a été mutilé sans beaucoup d’égards par la majorité. D’autre part, les ministres eux-mêmes ne s’entendaient pas le mieux du monde sur la part qu’ils voulaient chacun se faire au budget des travaux publics dans l’intérêt des provinces dont ils sont députés. L’intérêt provincial est très fort en Belgique et domine au fond même des ministères. Les membres du cabinet n’ont peut-être pas été fâchés d’avoir un prétexte pour couper court à une situation pénible. Après avoir consenti à beaucoup de sacrifices dans un projet de loi qu’ils présentaient aux chambres pour obtenir un droit sur les successions, ils se sont retirés, parce qu’on avait repoussé la formalité du serment qu’ils voulaient exiger de l’héritier comme garantie de la valeur de l’héritage. Ils s’étaient même réduits à demander seulement pour le magistrat la faculté de déférer ce serment. La majorité, encore aujourd’hui sous le coup des souvenirs de la prestation du serment à l’époque hollandaise, la majorité a rejeté comme immoral le serment obligatoire et même facultatif. Telle a été l’origine de cette crise, qui semble heureusement terminée. Un ministère catholique était impossible : M. Nothomb a usé et abusé des ministères mixtes ; il ne serait pas fort aisé de trouver dans les chambres les élémens d’un autre ministère libéral. Celui de M. Rogier n’a pas démérité de la Belgique, tant s’en faut, et l’opinion n’a vu dans cette brouille passagère qu’un incident sans importance qui ne saurait changer en rien la direction générale du pays, si forte après tout et souvent si habile.

ALEXANDRE THOMAS.


ACADEMIE FRANCAISE
RECEPTION DE M. NISARD.

L’Académie française poursuit le cours de ses solennités paisibles et élégantes au milieu des préoccupations et des turbulences contemporaines ; elle procure ainsi de temps à autre à une société choisie et dispersée des occasions heureuses de se retrouver, de se compter une fois de plus, de se témoigner à elle-même qu’elle existe encore, et qu’elle n’a point perdu son goût pour les plaisirs relevés de l’intelligence. Dans quelques jours sans doute, ce sera le don de la parole qui sera couronné à l’Institut dans la personne d’un orateur des plus vifs et des plus brillans ; hier, c’était la fête de la critique personnifiée dans trois hommes qui ont compté ou comptent encore, avec des tours d’esprit assez différens, parmi ses plus remarquables organes : M. de Feletz, dont l’égloe était à retracer, — M. Nisard, le nouveau récipiendaire, et M. Saint-Marc Girardin, qui avait à donner la bienvenue à l’historien des Poètes latins de la décadence. Et n’avons-nous pas même été un moment sur le point de voir la dernière séance académique prendre un sens plus particulier encore et devenir