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d’une alternative si prudente : ce n’este pas là sans doute la fougue irréfléchie de l’héroïsme chevaleresque ; c’est mieux que cela pour le temps où nous vivons : c’est un sentiment très clair, très juste, très positif des éventualités et des nécessités de l’époque. Nous n’y trouvons, quant à nous, rien à reprendre, et nous n’avons déjà pas tant de ressources contre les dangers qui nous assiégent, pour ne point accueillir ces auxiliaires qui se tiennent à notre service en disponibilité permanente. Le mal n’est pas de déclarer cette disponibilité, qui se déclare en quelque sorte d’elle-même ; le mal serait d’en tirer, une compétition violente qui se produisit sans à-propos et sans réserve, pour devenir un fléau de plus au milieu de nos troubles. Ce mal, qui s’est déjà montré, n’est du moins jusqu’à présent que l’œuvre des entourages. Espérons qu’il restera toujours uniquement à leur charge, et prouvons jusqu’à l’évidence la folie des procédés qu’ils emploient pour le succès de leur cause respective. La façon dont ils soutiennent les candidatures de leur chef serait bien plutôt le moyen d’en détacher la France.

Que font en effet, dans les deux camps, les champions ou les pourfendeurs de ces deux candidatures ? Ils font d’abord assaut d’outrages à l’adresse des candidats, comme S’il n’y avait pas dans notre pays assez de réputations ruinées et de personnages démolis. Ceux qui ont élevé de leurs mains le prince Louis Bonaparte à la présidence de la république, sur la seule garantie de ses antécédens politiques, devraient, matin et soir, remercier le ciel d’avoir rencontré sans le savoir l’homme qu’il est devenu, quand ils ne connaissaient de lui que l’homme de sa jeunesse. Ou ils l’avaient installé à l’Élysée pour y commettre les fautes qu’il n’a point commises, et c’est cela qui les fâche, ou ils lui sont infiniment redevables d’avoir oublié Strasbourg et Boulonne dans une position qui, s’il avait trop hardiment évoque ces souvenirs dangereux, lui permettait de dire : C’est vous qui l’avez voulu ! Il en est cependant parmi ceux-là qui lui prodiguent aujourd’hui leurs dénigremens, et qui lui reprochent, soit par leur bouche, soit par celle d’autrui, de ne pas prêter à l’enthousiasme. S’il s’était mis en tête de faire des enthousiastes, seriez-vous donc plus avancés, et serait-il plus glorieux ? Ce n’est pas non plus une témérité plus heureuse et de meilleur goût d’aller à tout hasard jeter la pierre au jeune prince exilé qui a si noblement combattu pour la France tant que la France l’a voulu compter au nombre de ses capitaines. Si ce n’étaient point les services qu’il a rendus à notre pavillon, c’était son infortune qui devait le préserver contre des injures ainsi lancées de loin et du sol même de la patrie, dont les rivages lui sont fermés. Ces injures ne sont point dans le cœur du pays ; elles le révoltent, et c’est méconnaître son inclination la plus naturelle que de ne s’en point abstenir. Il y a certainement une portion notable de la France qui ne verrait pas sans anxiété l’avènement officiel de la candidature du prince de Joinville ; c’est cette grande masse qui a besoin, très justement besoin de sa quiétude, et la croirait compromise parce qu’il lui faudrait refaire à nouveau le lit qu’à part soi l’on avait à peu près déjà fait. Le tort de cette candidature est là, et tout de bon ce n’est pas le moins sérieux ; et elle n’a guère d’obstacle plus opiniâtre que cette inertie qui ne voudra pas se déranger ; mais ce tort de la candidature n’est pas à beaucoup près un grief contre le candidat ; mais c’est lui rallier bien des sympathies que de chercher à noircir son caractère dans le style accoutumé