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immédiate de ce bazar universel ; ceux-ci veulent un jardin d’hiver, ceux-là une fondation pieuse ou un monument commémoratif. Qui l’emportera ? On sait par quel concours l’exposition s’est faite. Après un appel adressé aux souscripteurs volontaires qui versèrent en quelques jours la somme insuffisante de 65,000 livres sterling, je crois, on eut l’idée de demander, non de l’argent, des signatures seulement, et chacun vint cautionner au lieu de payer. Dans ce pays des larges initiatives, on aurait trouvé des milliards en quelques semaines ; aussitôt la liste signée, la banque d’Angleterre avança l’argent, et en moins de trois mois le Palais de Cristal fut construit. L’érection de ce palais souleva cependant de graves récriminations ; un parti considérable existait en Angleterre, qui repoussait en principe l’idée de cette exposition, dans laquelle il voyait une sorte de préface au free trade, et qui n’envisageait pas d’ailleurs sans déplaisir, en ces jours de révolution, cette solennité sans précédent et le concours inaccoutumé de visiteurs de toute espèce qu’elle amènerait à sa suite. Lors même que la question eût été gagnée contre ces étroites objections, les mécontens ne se tinrent pas pour battus. Tous les prétextes imaginables furent successivement invoqués et tour à tour opposés à ceux que les vieux conservateurs anglais qualifiaient d’imprudens novateurs. Or, par une heureuse coïncidence, l’on dirait volontiers par un hasard providentiel, il n’est pas une de ces objections qui, bien loin de nuire au palais de l’exposition, ne lui ait, au contraire, merveilleusement profité. Il est certain, tout bizarre que cela semble, que sa beauté définitive est due en partie à l’opposition qui lui a été faite. Ainsi par exemple, disaient les mécontens, de quel droit bâtissez-vous dans Hyde-Park ? C’est une promenade publique. Comment ! pour avoir la vue de ces belles pelouses, d’honnêtes citoyens ont acheté fort cher les terrains qui les bordent, et vous venez de gaieté de cœur élever en face de leurs croisées vos maussades maçonneries ! En vertu de quelle loi amoindrissez-vous ainsi la valeur de leurs propriétés ? Et d’ailleurs combien durera cette exposition ? Six mois, dites-vous, mais qui vous en répond ? Si une fois vous commencez à poser des pierres et du mortier, nous savons ce que durera votre bâtiment et toutes les bonnes raisons qu’on trouvera pour ne pas démolir. En Angleterre, ces objections étaient fort graves ; il n’en était pas une que l’on pût aborder de front et combattre légalement. Il fallut les tourner adroitement. « Vous redoutez la durée de notre bâtiment, répondit-on, la difficulté de le faire disparaître ? Rassurez-vous ; il ne s’agit point ici de pierres de taille, nous le construirons en fonte et en verre ; l’exposition finie, on l’enlèvera en vingt-quatre heures ; les propriétaires voisins n’auront donc pas à subir l’inconvénient d’une lente construction, ni même à respirer la poussière de la maçonnerie. Si la proximité du palais est un inconvénient,